Les LGBT+ dans le game !

Xbox France a profité de la Paris Games Week pour organiser, mercredi 30 octobre, l’événement Les LGBT+ dans le game ! Cette table ronde visait à échanger autour de l’inclusion de la communauté LGBT+dans l’univers du jeu vidéo. L’occasion de recueillir les avis éclairés d’experts : Laurence Lafont, Chief Operating Officer de Microsoft France et en charge de la diversité, Alex Dobro, fondateur de l’association Next Gaymer, Norah Memran, administratrice du Refuge à Paris, Macha Lopez, narrative designer pour le studio DontNod Entertainement et Molika Va, gaymeuse. Le tout modéré par Romain Burrel, directeur de la rédaction du magazine Têtu, partenaire de l’événement.

« On joue tous aux jeux vidéo, que ce soit sur console, ordinateur, téléphone portable… Si l’inclusion de la communauté LGBT+ est importante dans le cinéma ou les séries télé, elle l’est donc aussi dans le monde du gaming ! ». Quel meilleur prologue à cette table ronde que ce postulat du modérateur  Romain Burrel, directeur de la rédaction de Têtu ? Les auditeurs s’étaient massés, hier, dans un salon attenant au gigantesque plateau de la Paris Games Week, pour échanger avec un panel de spécialistes au sujet de l’inclusion de la communauté LGBT+ dans l’univers des jeux vidéo. « La diversité et l’inclusion, ça n’est pas un sujet nouveau pour nous », fait remarquer Laurence Lafont, COO Microsoft France et porte-parole dans ce domaine. « Cela fait des années que nous sommes investis à ce niveau-là, car on sait très bien qu’une entreprise qui est diverse est plus performante. Si nos jeux sont conçus par des personnes représentant l’ensemble de la société, ils parleront au plus grand monde ».

L’entreprise va même plus loin puisqu’elle a lancé, l’année dernière en France, sa communauté GLEAM (Global LGBTQI+ Employees and Allies at Microsoft) déjà présente à l’international depuis quelques années, « pour faire en sorte que chacun se pose des questions, sache ce que ce sujet lui renvoie ». Elle apporte par ailleurs son soutien au Refuge, une association venant en aide à des jeunes de 16 à 25 ans jetés à la rue lorsque leurs parents découvrent qu’ils sont homosexuels ou transgenres. « Microsoft nous aide au travers de dons », confirme Norah Memran, administratrice de la structure pour la région parisienne, « mais il ne s’agit cependant pas de la seule action. L’entreprise créé aussi du lien avec les jeunes, qui peuvent passer des journées entières au sein de cette dernière pour découvrir le monde du travail… et peut-être même se trouver une vocation ! Il y a aussi les consoles et jeux vidéo qui nous sont confiés, et l’organisation de soirées gaming dans le cadre de la semaine des fiertés, par exemple. Le moyen parfait pour initier un dialogue, au-delà des barrières de l’âge, de l’ethnie ou de l’orientation sexuelle ».

Video For Les LGBT+ dans le game !

Présentation d’Alex Dobro et de son association Next Gaymer

« UN TRAVAIL D’ÉDUCATION À FAIRE »

Certains blocages perdurent néanmoins, notamment lorsqu’il s’agit de jouer en ligne. « Adolescent, je ne me sentais pas représenté dans les médias ou à la télévision, et les jeux vidéo ont toujours été pour moi un espace dans lequel j’aurais voulu me sentir « safe » », confie Alexandre Dobro, créateur de l’association Next Gaymer, qui crée du lien social entre les personnes LGBT+ passionnées de gaming. « Le problème est qu’assez rapidement, sur certains titres en ligne, je me suis retrouvé confronté à de vraies insultes homophobes, du type « fag » ou « pédé ». Même si elles ne m’étaient pas forcément adressées, ce sont des choses qui, petit à petit, créent de l’exclusion et peuvent déboucher sur des dépressions, parfois même des suicides ». Son association tente de remédier à ce mal-être, en offrant de véritables moments d’échange à des individus trop souvent isolés. « Il y a un travail d’éducation à faire auprès des joueurs ou des communautés, on ne peut pas dire tout et n’importe quoi », acquiesce Laurence Lafont. « Nous disposons pour cela de nouveaux outils et d’ambassadeurs, sans compter les joueurs, qui peuvent signaler un comportement inadapté. L’intelligence artificielle permettra d’aller encore plus loin pour automatiser des systèmes de filtrage sur nos plateformes ».

 

« PARLER À UN AUTRE PUBLIC »

Dans le sillage de ces évolutions, des héros LGBT+ font peu à peu leur apparition sur consoles et PC. Macha Lopez, narrative designer, est l’une des témoins de cette évolution au sein du studio parisien DontNod Entertainement. Ce dernier aborde très directement la question de l’homosexualité, avec sa série de jeu narratif épisodique Life Is Strange. « L’idée est de proposer des narrations différentes, qui changent du modèle souvent basé sur une virilité exacerbée. Nous travaillons actuellement sur le cinquième épisode de Life is Strange 2. Sean, le personnage principal, est un adolescent de 16 ans fuyant vers le Mexique avec son petit frère Daniel. Il est amené à rencontrer beaucoup de personnages durant son voyage et le joueur a une grande liberté de choix concernant l’orientation sexuelle qu’il veut lui donner. Nous essayons de trouver des cibles différentes, de parler à un autre public pour faire en sorte que le jeu vidéo soit plus représentatif ». Une initiative salutaire selon Alex Dobro, qui explique que, durant longtemps, les éditeurs ont mis un frein à la représentation des personnes LGBT : « il était interdit dans leurs guidelines de faire référence à du sexe, et malheureusement, la sexualité était associée au sexe. Et puis, il faut bien prendre en compte le fait qu’il y a des investissements, la réalité d’un marché, une cible à dominante hétéro… Malgré tout cela, je pense qu’un certain nombre de personnes LGBT+ sont présentées au sein même des studios et qu’elles bénéficient désormais d’un terrain plus propice pour s’exprimer ».

 

« UNE RESPONSABILITÉ ÉNORME AUPRES DES JEUNES »

Là encore, cependant, il s’agit de faire tomber de nouvelles barrières. « Prenez par exemple un jeu comme Overwatch », explique la gameuse Molika Va, « il y a une trentaine de personnages au total et les créateurs ont dévoilé que deux d’entre eux étaient gays : l’aventurière Tracer, qui est un peu la mascotte du jeu, et un militaire, le Soldat 76. Et bien, les gens pensent que c’est le lobby LGBT qui est derrière cela ! Ils n’envisagent pas que ce soit tout simplement les créatifs qui y aient pensé. Avec certaines personnes, on doit toujours légitimer l’intégration d’un personnage homosexuel, il ne peut pas être présent juste parce qu’il existe, tout simplement. » Malgré tous ces obstacles, Alex Dobro considère que l’élan inclusif constitue un enjeu majeur. « Pour moi, le jeu vidéo est un média comme un autre, il y a donc une responsabilité énorme auprès des jeunes et les studios ont un devoir de représentativité ». Norah Memran renchérit : « Les séries télés ou jeux vidéo permettent à ces jeunes d’entendre parler d’homosexualité, ce qui n’est pas toujours le cas dans leur famille. S’ils découvrent que l’un des personnages est gay, la norme change automatiquement, on crée alors une acceptation ». Une petite révolution, à peine envisageable il y a de cela dix ans, qui pourrait bien contribuer à faire évoluer les mentalités. Restez à l’écoute, ce n’est qu’un début !