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#TousGamers : Pas d’exclusion, que des solutions !

À l’occasion de la Journée internationale des personnes handicapées le 3 décembre dernier, Xbox France s’est associé au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) pour lancer une semaine consacrée à l’accessibilité dans le jeu vidéo. Au programme, de nombreuses actions de sensibilisation sur les réseaux sociaux et des discussions avec les différents acteurs du milieu. C’est dans ce contexte que s’est tenue, mardi 5 décembre, une conférence sur l’accessibilité dans le jeu vidéo. Les points de vue échangés ont permis de faire un constat clair sur la question du jeu en situation de handicap et de dresser un panorama des solutions à mettre en œuvre.

Exposé de ces regards croisés :

« Quand on joue à un jeu vidéo, surtout en ligne, on oublie sa couleur de peau, son sexe, son âge, voire son handicap », souligne Hugues Ouvrard, directeur de Xbox France et modérateur de la conférence. « Or alors même que le jeu vidéo est une ouverture incroyable vers l’imaginaire, le handicap peut restreindre l’espace de loisirs » Cette prise de conscience, Hugues Ouvrard la doit à Hichem, un gamer de 36 ans souffrant d’une infirmité motrice cérébrale, qui l’a interpellé sur Twitter.

« Quand je gagne une partie à FIFA, ça vaut dix ans de thérapie pour moi », relate Hichem.

 

Plus de la moitié des Français jouent aux jeux vidéo. Comme le révèle une étude du Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (SELL), le jeu vidéo est la deuxième industrie culturelle en France et pèse aujourd’hui 3,5 milliards de chiffre d’affaires dans notre pays. En parallèle, près de 20 % de la population française souffre d’un handicap moteur, mental, visuel ou auditif et cette part monte même à 24 % au sein de la population active. Au regard de ces quelques chiffres, on pourrait croire que l’accessibilité est un sujet de préoccupation majeure du secteur. La réalité est plus nuancée.

Le jeu vidéo est resté à quai pendant de longues années. « Il reste en fait dans la zone d’ombre de l’accessibilité », constate Jérôme Dupire, chercheur au CNAM spécialisé sur l’accessibilité numérique. La notion d’« accessibilité » a été introduite par la loi Handicap du 11 février 2005 qui définit le handicap comme une restriction de participation temporaire ou permanente à la vie en société. « Cette loi a fait naître des dynamiques positives, comme l’installation de rampes d’accès dans les magasins et espaces publics », rappelle Jérôme Dupire.

Il est aussi ravi de constater qu’un élan positif s’est amorcé depuis quelques semaines, notamment avec la Paris Games Week 2017 où plusieurs associations d’insertion étaient invitées. « Les joueurs handicapés prennent conscience qu’ils ont la capacité de jouer. L’industrie s’intéresse de plus en plus à la question du jeu et du hardware. Et le grand public devient de moins en moins étranger à la question. »

Une nouvelle donne qui doit beaucoup au Twenty-first Communication and Video Accessibility Act, un texte promulgué aux États-Unis en 2013 par le président Barack Obama visant à rendre accessibles les technologies d’information et de communication. « Cette loi a des effets positifs sur l’industrie dans le monde entier, puisque les entreprises étrangères sont obligées de s’y conformer pour vendre leurs produits sur le marché américain », se réjouit Jérôme Dupire. Les éditeurs de jeux vidéo sont par exemple obligés de sous-titrer les dialogues ou d’ajouter des options pour adapter le jeu aux personnes atteintes de daltonisme.

L’utopie de l’interface universelle : 

Flavien Gelly, gamer atteint d’agénésie, une absence de formation de son bras gauche, tempère toutefois : « Overwatch a beau être accessible aux daltoniens, cela reste un FPS : du fait de la vitesse du jeu et des réflexes nécessaires, il est très peu accessible à certains adultes, qu’ils soient handicapés ou non. Toutefois, il est possible de faire de petites choses pour avancer. » Des petites choses comme lancer une page YouTube. Sous le pseudo Just One Hand, Flavien Gelly explique aux gamers en situation de handicap que des solutions existent, comme des logiciels pour ralentir les jeux ou pour réaffecter les commandes sur différents périphériques. D’autres streameurs handicapés, à l’instar de theREALhandi, qui a deux moignons et ne joue qu’avec des dispositifs tactiles, postent leurs exploits sur Counter-Strike : Global Offensive ou PlayerUnknown’s Battleground. « Je n’aimerais surtout pas jouer contre lui sur CS: GO, il est très très impressionnant », sourit Flavien Gelly.

Flavien Gelly joue généralement sur PC avec une souris de gamer et une manette Steam Controller, « de qualité douteuse, mais totalement reprogrammable et dotée d’un pavé tactile ». Il doit ensuite réaffecter les commandes de jeu, parfois à l’aide de Xpadder, « un petit logiciel vieux d’une quinzaine d’années ». « Pour Deus Ex : Human Revolution, dont le héros est d’ailleurs handicapé, il m’a fallu près de deux heures pour préparer le jeu. Par contre, Forza Horizon 3 était prêt en cinq minutes. »

De la simple réattribution des touches aux manettes sur mesure en passant par Kinect, la réalité virtuelle ou le tactile, les solutions sont aussi variées que les handicaps. Comme l’indique David Combarieu, fondateur de Handigamer, « les problèmes techniques sont surmontables : le défi est de trouver comment jouer avec une seule main, avec les pieds, le menton ou la bouche. » C’est tout le but de son association : faciliter l’accès aux jeux vidéo en proposant des périphériques adaptés ou modulables. « Les manettes constituent un marché de masse standardisé pour droitiers avec deux mains et dix doigts, ajoute-t-il. Niveau matériel, les coûts ne sont pas exorbitants, mais il faut trouver ce qui convient à chaque joueur. »

Pour Capgame, l’association cofondée par Jérôme Dupire, l’ergothérapeute Guillaume Hessel et le joueur en situation de handicap Kousha, l’objectif est justement de faire connaître les manières alternatives de jouer aux jeux vidéo. « L’enjeu n’est pas de demander à l’industrie de faire des interfaces universelles, c’est une utopie », déclare Guillaume Hessel. Jérôme Dupire renchérit : « Notre Graal, ce serait que tous les joueurs soient le plus autonomes possible. Il faut par exemple qu’un maximum d’options soient paramétrables pour que chaque joueur règle finement la configuration de jeu qui lui convient. »

« L’accessibilité ne passe pas forcément par le matériel ou l’interface, mais aussi par le game design », souligne Jérôme Dupire.

 

C’est le cas par exemple de Evil Blind Mutant Monster Attack. Développé en 2012 par trois étudiants de l’École nationale du jeu et de médias interactifs numériques (ENJMIN), ce jeu en un contre un se démarque par son gameplay asymétrique : un joueur joue sans le son, l’autre sans la vue. A Blind Legend est un autre exemple de gameplay accessible. Développé par le studio français Dowino en coproduction avec Radio France, ce jeu pour smartphone est basé uniquement sur le son spatialisé. Dans l’ensemble, les jeux ne reposant pas sur les réflexes ultrarapides sont considérés comme plus inclusifs. « Les jeux narratifs comme The Walking Dead ou Life is Strange sont plus simples d’accès, mais ils ne sont pas universels. Ils sont par exemple hors de portée des personnes qui ne peuvent pas lire », explique Flavien Gelly.

Un travail de fond à faire :

Encore faut-il que les personnes en situation de handicap puissent trouver les jeux qui leur correspondent. C’est la mission que s’est fixée Game Lover, un site qui évalue les jeux vidéo au prisme de leur accessibilité. « Game Lover est né d’un constat : il y a beaucoup de gamers dans les structures d’accueil pour les personnes en situation de handicap mental et il fallait les aider à trouver des jeux », indique Stéphane Laurent, éducateur spécialisé et fondateur de Game Lover. Des critères tels que les déficits visuels, auditifs, moteurs ou cognitifs sont pris en compte. « Le manque d’accessibilité est surtout lié à une méconnaissance des besoins de la part des éditeurs. »

« Il y a des solutions simples et peu couteuses pour améliorer l’accessibilité : des icônes ou de la synthèse vocale au lieu des menus textuels, le mappage des touches, des profils pour jouer à une main, différents niveaux de difficulté… Les éditeurs n’y pensent pas forcément. »

 

C’est pour cette raison que Jérôme Dupire, qui est également enseignant à l’ENJMIN, évangélise les futurs développeurs à la question de l’accessibilité. « L’idée de ce cours est de semer une graine dans l’esprit des étudiants qui pourront réfléchir différemment sur cette question dans cinq, dix ou quinze ans. » Via Capgame, le chercheur collabore avec des studios comme Ubisoft : « Nous avons organisé des séances de testing avec des personnes handicapées et des formations internes pour acculturer les développeurs à la question de l’accessibilité. »

Conférence sur l’accessibilité dans le jeu vidéo, 5 décembre 2017

Game Lover aussi est en contact avec Ubisoft ou encore Bigben Interactive, entreprise française qui conçoit des jeux et accessoires de jeux. « Ces sociétés nous ont consultés pour inclure des options d’accessibilité dans leurs jeux, souligne Stéphane Laurent. Nous avons aussi rencontré le SELL ou le Syndicat national du jeu vidéo afin de généraliser les interventions dans les écoles. »

Pour sa part, Hugues Ouvrard suggère de créer une nouvelle classification des jeux. « Il existe une classification PEGI selon les âges, mais on ne s’est jamais posé la question d’une signalétique selon l’accessibilité. » Aux États-Unis, Microsoft s’est doté d’un laboratoire de recherche sur l’accessibilité, l’Inclusive Technologies Lab. L’équipe Xbox y a notamment construit une salle de jeux pour sensibiliser les game designers comme le grand public : il est ainsi possible de tester Rocket League sans les mains — uniquement avec une pédale et des boutons à hauteur de genou — ou encore des jeux que l’on peut diriger avec la bouche ou les yeux.

Certaines solutions sont déjà accessibles au grand public. Depuis la mise à jour système du printemps dernier, les consoles Xbox intègrent une fonctionnalité « Copilote », permettant de diviser les commandes entre deux manettes à l’image des voitures à doubles pédales. Des jeux particulièrement complexes comme Cuphead deviennent ainsi accessibles à tous, puisqu’un joueur peut par exemple s’occuper uniquement des tirs pendant que l’autre gère les déplacements. Halo Wars 2 dispose quant à lui d’une option de transcription des discussions entre les joueurs. Ainsi, une personne malentendante peut continuer à communiquer avec les autres joueurs en temps réel.

Flavien Gelly insiste quant à lui sur l’importance de porter le message non seulement auprès des personnes handicapées, mais également auprès de la « population classique ». « Nous avons un rôle important à jouer pour sensibiliser les valides, qui à leur tour en parleront à leurs connaissances en situation de handicap. »

« On peut tous devenir handicapé », rappelle Flavien Gelly.

 

« D’un côté, nous avons des gens qui se battent pour jouer et trouver des solutions. De l’autre, il y a des apporteurs de solutions. Notre objectif est donc de donner de la visibilité à cette question et de créer des ponts », explique Hugues Ouvrard. La conférence du 5 décembre a constitué un premier pas. Xbox France inscrit son engagement sur le long terme et donne déjà rendez-vous dans les prochains mois pour suivre l’évolution du sujet et continuer à rassembler autour du jeu vidéo.

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