Les Femmes du jeu vidéo : Sophia Metz, créatrice de la chaine de bars esport Meltdown

Xbox Wire France lance sa série d’articles « Les Femmes du Jeu Vidéo » par une rencontre avec Sophia Metz ! A 33 ans, cette passionnée de gaming est à la tête de Meltdown, la première (et seule) chaîne de bars esports au monde. Grâce à elle, les joueurs ont enfin trouvé un lieu  pour boire une bière en regardant une diffusion de match ou se défiant sur les PC et consoles en libre accès. Un concept qui essaime aux quatre coins de la France, mais également dans le monde…

Comment êtes-vous venue, à la base, aux jeux vidéo ?

Je viens d’une famille où tout le monde joue, même mon père est gamer ! Lorsque j’avais 3-4 ans, je regardais beaucoup les parties de mon grand-frère et évidemment, je voulais faire pareil. Plus tard, nous nous sommes mis ensemble à des RPG, puis à des jeux de combat, avant de découvrir Starcraft et World of Warcraft. Au collège et lycée, j’appartenais à un groupe d’amis passionnés de jeux vidéo, j’étais un peu la seule fille de la bande car cet univers n’était pas aussi ouvert que maintenant au public féminin…

Vous avez monté votre première entreprise très tôt, à 19 ans ?

Oui ! Après des études en publicité, j’ai voulu rapidement mettre la théorie en pratique. Et puis, j’ai toujours aimé le processus créatif inhérent à l’entreprenariat. Ma toute première structure faisait du conseil en communication mais était déjà très tournée sur le digital : je me suis intéressée assez tôt à cet univers, commençant à coder des sites en autodidacte alors que je n’avais que 13 ans. Cela m’a permis de comprendre ce métier et de coordonner plus tard les fonctions sur des projets. Avant Meltdown, j’ai monté 5 structures au total, avec par exemple de la création de sites web et d’applications mobiles, mais aussi des choses très variées, notamment autour de la musique, ma deuxième passion. J’ai notamment été agent d’artistes ou photographe de concerts !

Comment en êtes-vous venue à créer le concept Meltdown ?

Au début des années 2000, j’ai eu l’occasion d’assister à un événement gaming, on pouvait voir des joueurs s’affronter et je trouvais génial de pouvoir partager ma passion et mes émotions avec des gens qui comprenaient mon ressenti. Nous avons alors monté, avec des amis, une association baptisée Barcraft Europe, qui proposait à des bars de diffuser des matchs esport sur leurs écrans, à la place du foot ou du rugby, en leur promettant une affluence durant les jours creux. Constatant que ces événements regroupaient à chaque fois plus d’une centaine de personnes, nous avons finalement décidé de créer notre propre lieu. En 2012, nous avons repris un tout petit bar du quartier République, à Paris, en réunissant nos économies. 

Le succès a-t-il été immédiat ?

Dès le départ, les gamers ont adhéré, ils venaient s’affronter sur les ordinateurs en libre accès ou regardaient des matchs sur Starcraft. Cela nous a permis de créer un socle de communauté très fort, le bar était toujours plein. Les retombées sur les forums ou médias spécialisés se sont multipliées, et nous nous sommes alors rendu compte que le concept que nous avions créé était unique au monde ! Un jour, un joueur est venu de Corée, juste pour découvrir notre bar. Sans compter les visiteurs des États-Unis, de Suède, d’Allemagne… Nous ne nous attentions vraiment pas à cela. Au vu du succès rencontré, nous avons ouvert en 2013 deux autres lieux sur le même modèle, à Berlin et Londres. Des gens nous ont alors contactés en nous demandant conseil pour créer la même structure, ce qui nous a donné l’idée de franchiser l’enseigne, avec une première ouverture à Montpellier. Il existe désormais 23 bars Meltdown, à Dijon, Nantes, Marseille, Lyon, Toulouse ou encore Nancy par exemple, mais également à Barcelone, Bruxelles, Montréal, Panama… 

A quoi ressemble l’ambiance d’un bar Meltdown ?

Les gens viennent avant tout boire une bière, se rencontrer, Il y a un lien qui se créé très facilement car leur passion commune constitue l’« excuse » parfaite pour échanger ou se défier sur un jeu. Chez nous, l’accès aux consoles ou PC n’est pas payant et les joueurs peuvent choisir parmi les jeux disposés derrière le bar, aux côtés des bouteilles ! Nous avons toujours quelques Xbox One à disposition, avec des titres tels Gears of War, , FIFA, Call of Duty, PUBG…, et bientôt Bleeding Edge ! Les joueurs peuvent par ailleurs regarder des matchs de League of Legends, Overwatch, Fortnite ou Counter-Strike diffusés sur les écrans, ou profiter des événements et challenges festifs que nous organisons chaque semaine.

Quel est votre objectif, désormais ?

Nous programmons de nouvelles ouvertures en France et à l’international en 2020. Mon rêve ultime est d’installer des bars Meltdown partout dans le monde et de conserver cette proximité avec le public local, tout en créant des ponts pour fédérer une communauté globale qui puisse interagir. Pour cela, nous organisons déjà des tournois inter-bars, qui permettent par exemple à Paris d’affronter Marseille ou Cologne.

Comment gérez-vous le fait d’être une femme dans ce milieu, à la base très masculin ?

Je n’ai jamais vraiment ressenti de machisme dans le milieu du gaming, j’ai toujours été entourée de garçons bienveillants, contents de voir qu’une fille s’intéressait à ce qu’ils faisaient. Les embûches, je les ai davantage rencontrées côté entreprenariat. Il y a parfois une certaine condescendance vis-à-vis des femmes qui se lancent et au départ, je pensais avoir beaucoup de choses à prouver. Désormais, j’ai la chance d’avoir des résultats qui parlent pour moi, la donne a donc changé, même si certains mauvais réflexes perdurent. Je me souviens d’une réunion brainstorming autour de sujets esport, j’ai posé une question à un avocat qui m’a répondu en commençant avec : « par exemple, si tu vas acheter un sac à main Chanel… ». Rien de très grave, mais j’ai trouvé cela malvenu.

Quelle vision avez-vous de la place actuelle des femmes dans le monde des jeux vidéo ?

Déjà, je trouve que les initiatives autour de la mixité sont plus intéressantes que les tournois 100% féminins, par exemple, car il n’y a pas vraiment de raison de séparer les femmes et les hommes dans l’univers gaming. Évidemment, il y a une culture historique du jeu vidéo qui est plus masculine que féminine, mais je pense que ce n’est pas grave, à partir du moment où il y a de l’inclusion. Et puis, les éditeurs ont pris de bonnes habitudes en nous intégrant davantage à leur façon de penser, de concevoir les jeux. Les personnages féminins sont beaucoup moins stéréotypés qu’à une époque. Je pense par exemple au jeu Overwatch, qui propose nombre d’héroïnes différentes : des plus minces, des plus grosses, des plus vieilles, des plus jeunes. Elles ont de véritables caractères, rôles et identités, on ne les présente pas juste sous le volet esthétique et d’ailleurs, ce ne sont pas forcément des canons de beauté. Je pense que tout cela évolue dans le bon sens… y compris dans les bars Meltdowns, où les femmes représentent désormais 30% de la clientèle !