Les métiers du jeu vidéo : comédien/ne de doublage

Nous avons profité des sorties récentes de Tell Me Why (disponible dans le Xbox Game Pass) et de No Straight Roads, deux jeux qui ont pris très au sérieux le travail sur les voix, pour nous entretenir avec une comédienne et un comédien de doublage pour en apprendre plus sur ce métier.

Kelly Marot travaille notamment pour les industries du cinéma et du jeu vidéo depuis plusieurs années et vous connaissez nécessairement sa voix. Au cinéma, elle a par exemple doublé Jennifer Lawrence ou Sophie Turner, dans le jeu vidéo, c’est la voix d’Elizabeth dans Bioshock Infinite, de Claire Redfield dans Resident Evil 2 Remake, ou de Mayday dans No Straight Roads, sorti il y a peu. August Aiden Black vient lui de doubler le personnage de Tyler Ronan dans Tell Me Why, la dernière création des Parisiens de DONTNOD, sa première expérience dans le domaine. Deux profils très différents, partageant pourtant la même passion et le même métier.

Kelly, comment vous est venue cette passion pour le doublage ?

Kelly Marot : Mon frère et ma sœur aînés sont également comédiens, mais j’ai 10 ans et 14 ans d’écart avec eux, je les ai donc depuis très jeune entendu répéter leurs textes et je les apprenais aussi ! J’avais déjà très envie de faire ce métier. À 5 ans j’ai commencé par tourner, et un jour on m’a demandé si je voulais passer un essai, ce que j’ai fait, et j’ai eu mon premier rôle en tant que comédienne de doublage. Le jeu vidéo est venu très rapidement, peut-être aux alentours de 8 ou 10 ans, avec des titres d’Ubisoft.

Pourquoi avoir choisi de continuer dans le doublage plutôt qu’en tant que comédienne, devant la caméra ?

KM : C’est chouette d’être à l’image ! Mais le problème, c’est que l’on va avoir tendance à nous donner des rôles qui ont justement un rapport avec notre image, notre physique. En doublage, les rôles que l’on nous assigne sont fonction de ce que l’on est capable de faire. Dès lors, on peut absolument tout jouer ! Et c’est génial de pouvoir passer du coq à l’âne suivant les demandes de l’œuvre sur laquelle on travaille, de jouer un petit chien dans un dessin animé pour se retrouver le lendemain sur un film beaucoup plus sérieux.

De votre côté, August ?

August Aiden Black : Lors des sessions d’enregistrement pour Tell Me Why, j’avais l’impression d’être exactement là où je devais être. Je n’ai pas encore eu la chance d’incarner un personnage à l’écran, mais si ce jour vient, je suis sûr que j’aurais la même sensation. Je suis passionné par les histoires que l’on peut raconter, quelle que soit la manière de le faire, j’espère ne pas avoir à choisir un métier plutôt que l’autre.

Qu’est-ce qui différencie le travail d’un comédien ou d’une comédienne de doublage sur un film et un jeu vidéo ?

KM : Quand on arrive pour un doublage de jeu vidéo, le plus souvent, on ne voit pas les images. Le directeur artistique nous décrit l’univers du jeu, nous donne le texte et nous explique ce qui se passe dans la scène que nous devons doubler. Avant ce briefing, on ne connaît rien du titre sur lequel on va travailler. C’est un constat en général, mais par exemple en ce qui concerne No Straight Roads, c’était différent. On nous a intéressés au développement, on a pu voir toutes les images, suivre son évolution, nous étions vraiment au cœur du projet. Et le fait de voir ces étapes nous a donné le sentiment que nous faisions vraiment partie du développement.

August, vous avez découvert le métier de comédien de doublage avec Tell Me Why, quel regard portez-vous sur cette expérience ?

AAB : Je ne voulais décevoir personne, j’étais nerveux, puisque c’était ma grande première en effet. Et je le savais depuis longtemps, mais ce métier est loin d’être facile ! Tout ce que je faisais, je le faisais pour la première fois, il fallait faire des efforts, corriger le ton, répéter une réplique trois fois avant de recommencer encore… mais j’ai savouré chaque seconde.

De manière globale, qu’est-ce qui vous plait dans le doublage de jeu vidéo ?

KM : J’adore doubler de jeux vidéo justement parce que c’est un challenge ! Et quand on voit le résultat final, que tout fonctionne, on est d’autant plus heureux ! Il faut dire aussi que le média a évolué, à l’époque, nous étions cantonnés à quelques voix, des cris qui correspondaient à des attaques ou à des réactions. Aujourd’hui, ce sont de vraies scènes, similaires à celles que l’on retrouve au cinéma, qu’il faut interpréter. Le volume de dialogues représente aussi un défi conséquent, il y a systématiquement plus de voix à enregistrer que pour un film. Et de plus en plus, on commence à travailler avec l’image et la bande rythmo (bande graphique qui défile en bas de l’écran et comporte les informations (texte et sons) nécessaires aux acteurs durant le doublage), exactement comme pour le cinéma, on nous demande maintenant la même émotion, la même narration dans la voix.

AAB : Même si je ne suis pas vraiment un joueur hardcore, je me plonge petit à petit dans cet univers et je découvre une richesse et une variété incroyable dans les personnages de jeu vidéo. Avec Tell Me Why, j’avais en effet l’impression de jouer dans un film. Les dialogues sont remplis d’humanité, parfois bruts, on y retrouve du sarcasme… Honnêtement, je ne me rendais pas compte que les jeux vidéo en étaient arrivés là.

Et d’ailleurs, quel rapport entretenez-vous tous les deux avec le jeu vidéo, en dehors du cadre de votre travail ?

KM : Plus jeune, j’aimais beaucoup les jeux de combat, notamment Tekken, j’adorais ce jeu et j’étais forte ! Enfin j’appuyais un peu sur tous les boutons mais je gagnais à chaque fois ! Je jouais aussi à Tomb Raider, à Rayman, mais très vite je n’ai plus eu le temps de jouer. L’envie ne manquait pas, mais le temps, oui.

AAB: On ne peut pas dire que je partage une véritable histoire avec les jeux vidéo, comme d’autres. Mais même s’ils ne faisaient pas vraiment partie de mon enfance, si je devais n’en garder qu’un, ce serait Tetris. J’y ai passé BEAUCOUP de temps ! Ces dernières semaines, j’ai joué un peu plus, j’aime beaucoup The Outer Worlds et Overwatch.

Auriez-vous des conseils à donner à celles et ceux qui souhaiteraient faire le même métier que vous ?

KM : Le doublage, c’est avant tout un métier de comédien, on doit être capable de tout jouer. Et comme je l’évoquais, on n’a pas le temps de travailler les scènes en amont, on peut très bien arriver en studio à 9h30 et devoir jouer une scène d’hystérie, puis rire aux éclats, avant d’interpréter une scène où l’on pleure… D’autant qu’il faut être bon tout de suite, ou au maximum sur trois prises, car les journées sont chargées. Il faut donc travailler sa diction et être capable d’aborder tous les genres : d’un jour à l’autre, vous pouvez très bien passer d’un film d’époque se déroulant au 18ème siècle à quelque chose de plus contemporain par exemple. Attention, je ne veux dissuader personne ! C’est juste que l’on a tendance à penser que c’est un métier facile, mais en réalité, on est très loin du karaoké…

AAB : Je ne suis pas sûr que ma réponse vous satisfasse, mais je suis moi-même encore en train d’apprendre. J’ai eu de la chance que l’agence de casting me contacte pour cette audition, je n’avais aucune expérience et pas d’agent. Bien sûr, avoir une audition et la réussir, ce sont deux choses différentes. Il faut savoir faire preuve de patience, s’entraîner et travailler dur, voilà mes conseils ! Merci à Kelly Marot et à August Aiden Black pour leurs réponses. Vous pouvez les entendre respectivement dans No Straight Roads et dans Tell Me Why, ce dernier étant également disponible dans le Xbox Game Pass.