La Symphonie des Jeux Vidéo aux Chorégies d’Orange : échange avec Victor Jacob, chef d’orchestre

Les Chorégies d’Orange, plus ancien festival français puisqu’elles datent de 1869, mettent à l’honneur chaque été l’opéra et la musique classique dans l’enceinte du Théâtre antique d’Orange. Cette année, une soirée en particulier a retenu notre attention : le 31 juillet se déroulera la Symphonie des Jeux Vidéo, un concert dédié aux morceaux issus de titres marquants de l’histoire de notre loisir préféré. Nous avons le plaisir de vous révéler que Halo, Halo Infinite et Ori and The Blind Forest seront de la partie. Pour l’occasion, nous nous sommes entretenus avec Victor Jacob, le chef d’orchestre de cette soirée exceptionnelle, pour qu’il nous raconte son rapport avec la musique de jeu vidéo et le travail fourni pour donner vie à ce concert unique.

Pouvez-vous vous présenter et nous en dire plus sur votre parcours ?

Je suis chef d’orchestre, je travaille en France et en Europe et je fais du symphonique comme de l’opéra. J’ai principalement travaillé avec l’Orchestre National de Lyon et l’Opéra de Montpellier. Je vais à Moscou l’année prochaine pour le Moscow State Philharmonic Orchestra. J’ai commencé la musique avec le violon quand j’avais 4 ans, avec mon oncle. Ensuite, je suis assez vite passé au chant à la Maîtrise de Radio France, j’avais environ 9 ans, j’étais en CM1. Plus tard, j’ai fait deux ans de Master à Londres, à la Royal Academy of Music, puis un autre Master au CNSM de Paris, avec le chef Alain Altinoglu.

Quel rapport entretenez-vous avec le jeu vidéo et plus particulièrement sa musique ?

Je ne suis pas un gros gamer, mais j’ai de grands souvenirs avec le jeu vidéo. Quand j’étais petit, je jouais avec mes parents autour du PC familial, à Riven. J’avais été extrêmement marqué par ce jeu, et par sa musique d’ailleurs. L’ambiance était absolument incroyable. C’était une musique contemplative, très calme, avec des effets sonores. Je n’ai jamais eu de console de salon, mais, ensuite, j’ai joué sur PC à des jeux comme Flight Simulator, Age of Empires, Splinter Cell ou Need for Speed durant mes années collège. Les musiques d’Age of Empires m’ont aussi marqué d’ailleurs !

Les concerts dédiés aux musiques de jeu vidéo se démocratisent. Quel est le regard des musiciens plus traditionnels sur cette tendance ?

C’est difficile de parler au nom de tout le monde, mais, en tant que musicien classique, le fait qu’un grand nombre de personnes, souvent des jeunes en plus, se réunissent pour écouter de la musique en concert, je trouve cela génial. Je ne peux que l’encourager, peu importe le style de musique. Se divertir activement en allant voir des artistes, c’est toujours une bonne chose, je trouve cela super.

Pensez-vous qu’un événement comme cette Symphonie des Jeux Vidéo puisse amener un nouveau public vers le classique ?

Le problème du classique aujourd’hui, c’est qu’il est souvent réservé aux initiés, parce que les gens peuvent ressentir une certaine crainte. Aller voir un orchestre, cela peut faire un peu peur au début, si on ne l’a jamais fait. Mais le fait d’aller voir de la musique de jeu vidéo et de se retrouver devant un orchestre, c’est déjà un premier pas et j’espère que ces personnes reviendront pour écouter un répertoire de musiques plus classiques. Cela fait rentrer les soirées de concert avec orchestre dans les mœurs, ce qui est génial.

À l’inverse, le public déjà séduit par le classique peut-il selon vous se passionner pour la musique de jeux ?

Moi-même, en me plongeant dans le répertoire du concert, j’ai découvert des musiques assez exceptionnelles, que je prends à réécouter de temps en temps, donc je pense que c’est tout à fait possible. En fait, je pense qu’il y a deux catégories dans les musiques de jeu vidéo. Il y a les musiques qui utilisent un motif ou un thème très fort, qui est développé le temps d’un morceau avec une ambiance très marquée. La deuxième catégorie, ce sont des musiques très écrites, très développées, à la manière d’une symphonie, et à travers lesquelles on entreprend une sorte de voyage musical. Cette deuxième catégorie peut tout à fait se suffire à elle-même en concert, grâce à sa richesse.

C’est la première fois que vous dirigez un concert dédié aux musiques de jeu vidéo. Avez-vous une certaine appréhension ?

Cela reste une partition, que je lis et que je fais interpréter par un orchestre. C’est mon quotidien. En revanche, ce qui me fait plus peur, c’est d’être capable de coller aux ambiances, aux textures sonores pour coller au maximum aux souvenirs des fans des jeux. Le but est de les rendre heureux, de les replonger dans ces ambiances le temps d’un concert. C’est pour cela que j’essaye de m’imprégner au maximum de chaque jeu et de chaque musique, pour vraiment pouvoir recréer ces univers sonores.

Comment avez-vous adapté les musiques pour les interpréter avec un orchestre ?

C’est Didier Benetti qui s’est occupé des réorchestrations. Il a pris quelques libertés au niveau de l’arrangement, mais ce seront des choses qui s’entendront à peine. En revanche, au niveau de l’interprétation, que ce soient les tempi, les vitesses, les couleurs ou les phrasés, il s‘agit quand même de réinterpréter de la musique enregistrée, donc très ancrée dans une certaine interprétation. Je ne vais pas m’amuser à tout refondre pour y ajouter ma patte. Ce qui m’intéresse, c’est que les gens reconnaissent et ressentent les mêmes émotions que celles qu’ils ont eu lorsqu’ils ont joué. Pour répondre à la question, j’essaye donc de réduire au maximum ma part personnelle dans les morceaux. Ce n’est pas le but ici.

Pendant le concert, nous pourrons entendre des morceaux issus des bandes-originales de Halo, Halo Infinite et Ori and the Blind Forest. Pouvez-vous nous parler du travail effectué pour ces morceaux ?

J’avais déjà entendu parler de Halo, mais pas de Ori. Pour mon travail, je me suis tout d’abord renseigné sur ces titres, pour savoir en quelles années ils étaient sortis, quels étaient leurs thèmes, leurs genres. J’ai aussi regardé les trailers, qui en général montrent très bien l’ambiance que les développeurs veulent faire ressortir. Ori est juste exceptionnel pour moi. C’est une vraie symphonie, on passe d’une ambiance à l’autre, d’un tempo à l’autre… J’admire le travail de Gareth Coker.

Comment imaginez-vous l’avenir de ce type de représentations ? Pouvons-nous nous attendre à vous revoir diriger un concert dédié aux musiques de jeux vidéo ?

Je serai ravi que cela continue à se développer. Encore une fois, si les gens vont au concert pour écouter de la musique symphonique avec un orchestre, je trouve cela génial. Et je trouve ça aussi intéressant que l’on diversifie les répertoires. Il faut aller écouter de la musique contemporaine qui ne soit pas reliée à de l’image, de la musique de film ou de la musique classique. En ce qui concerne le jeu vidéo, ça me plairait complètement de réitérer l’expérience, avec d’autres jeux et même d’autres concepts de concerts.

Merci à Victor Jacob d’avoir pris le temps de répondre à nos questions.
N’hésitez pas à vous rendre sur le site internet des Chorégies pour plus d’informations, et il est encore temps d’acheter vos places pour la Symphonie des Jeux Vidéo.