Les portraits du jeu vidéo : Laure Valée

Nous continuons notre série de portraits du jeu vidéo avec la journaliste et animatrice spécialisée en esport, Laure Valée. Nous avons pu échanger avec elle pour en savoir plus sur son parcours professionnel, sa passion pour Halo et connaître son regard sur les relations qu’entretient l’esport avec les joueuses.

Quelle est votre histoire avec le jeu vidéo ?

J’ai commencé à jouer assez jeune : je devais avoir entre 4 et 6 ans. J’étais entourée de cousins plus âgés que moi, qui étaient adolescents quand j’étais toute petite et ils me laissaient jouer avec eux à la console. Plus tard, mon petit frère est arrivé et notre maman nous a acheté les consoles de salon pour que l’on puisse jouer tous les deux. Quand je suis rentrée au collège j’ai eu une Xbox et je suis restée sur cette console pendant des années. Je jouais énormément à Halo, beaucoup à Fable aussi. Je jouais sur le Live avec des copains et le jeu sur PC est venu beaucoup plus tard. A vrai dire, je pense que le premier jeu qui m’a vraiment accroché sur PC c’était League of Legends.

Avez-vous continué par la suite à jouer à la série Halo ?

Halo reste mon FPS préféré, et de loin ! Je n’ai joué au premier que plus tard, quand la Master Chief Collection est sortie, mais Halo 2, Halo 3Reach ! Reach c’est mon préféré. Halo 3, j’ai pleuré à la fin et c’est peut-être le premier jeu qui m’a fait pleurer. Je m’étais vraiment attachée au Master Chief et à Cortana. J’ai récemment pu essayer Halo Infinite lors des phases de test et les graphismes me rappellent beaucoup l’esprit de Halo 2. Je dois dire que j’aime le fait que 343 Industries soit parti dans cette direction. Certaines fonctionnalités aussi sont très appréciables en jeu, comme le grappin. J’ai vraiment hâte d’y jouer et de faire la campagne. Il y a aussi l’aspect compétitif puisque la scène esportive de Halo a été l’une des premières que j’ai pris plaisir à suivre. Aujourd’hui cette dernière est plus présente aux États-Unis qu’en France mais nous sommes nombreux, en tant que fans de la série, à placer nos espoirs dans Halo Infinite pour relancer la scène esportive française. Personnellement, je n’attends qu’une chose c’est de pouvoir commenter du Halo, c’est l’un de mes prochains objectifs pour les années à venir.

Comment êtes-vous rentrée dans le milieu ? Était-ce un objectif de longue date ?

Honnêtement, je ne me suis jamais vraiment dit que j’avais envie de travailler dans le jeu vidéo. C’était une passion mais je n’y passais pas non plus tout mon temps. J’aimais aussi aller au cinéma, faire du sport, ce genre de choses… Mais c’est avec League of Legends que les choses ont changé. J’ai d’abord commencé à jouer, puis à regarder les compétitions, puis à écrire des articles bénévolement autour de la compétition. Parallèlement, je préparais des concours d’entrée en école de journalisme, donc autant essayer de se faire une plume sur quelque chose qui me passionnait. De fil en aiguille, mes articles ont plu alors j’ai commencé à faire des streams et des émissions. Pendant ma deuxième année en école de journalisme, Canal + et Bein Sports sont venus me voir parce qu’ils lançaient leur première émission autour de l’esport. C’est là que j’ai commencé à prendre les choses au sérieux parce que je me suis rendue compte qu’il y avait un réel intérêt de la part des médias généralistes pour cette thématique. Pendant que je terminais ma dernière année d’école de journalisme, j’étais aussi animatrice pour le Canal Esport Club, la première émission esport à la télévision.

Quel regard portez-vous sur la mixité dans l’esport ?

Les joueuses sont bien présentes sur League of Legends, je le vois. A vrai dire, 53 % des joueurs sont des joueuses mais il y a beaucoup de toxicité qui gravite au sein de la communauté. J’ai moi-même l’âme compétitive, mais pas au point de me faire insulter tous les jours, donc je comprends que les joueuses aient certaines réticences vis-à-vis de leurs participations à la scène compétitive. J’ai constaté que les joueurs sont jeunes mais qu’ils avaient quelques difficultés à interagir avec la gent féminine. Il y a eu des tentatives d’intégrer des joueuses dans des équipes mais elles se sentaient seules, exclues et discriminées par la communauté qui disait qu’elles ne seraient jamais aussi bonnes que les hommes. On a donc tendance à créer des équipes féminines. Mais autant dans le sport traditionnel, pour des raisons physiques, je comprends que l’on ne mette pas des femmes dans des équipes masculines et que les compétitions soient séparées, mais dans l’esport ça n’a aucun sens. C’est cérébral et il n’y a pas de compétences physiques à proprement parler donc, selon moi, il n’y a pas de raison de séparer les compétitions.

Comment faire évoluer cette situation selon vous ?

Ce sont des choses sur lesquelles nous travaillons, notamment avec l’association Women in Games, dont je suis la marraine depuis 3 ans. Nous cherchons des joueuses pour les insérer dans un environnement compétitif mixte et nous voulons sensibiliser davantage les équipes parce qu’aujourd’hui, si quelqu’un propose un joueur et une joueuse ayant le même niveau à une équipe, elle aura tendance à embaucher le joueur, pour que ça soit moins « compliqué. » Une fille, il faut l’intégrer, ça prend du temps, et on veut des résultats rapides… Pour moi, c’est comme si l’on disait qu’en open space on mettait les femmes d’un côté et les hommes de l’autre, ce serait aberrant. Ça va prendre du temps, mais je vois aussi que les choses bougent, on est de plus en plus de femmes à présenter, à commenter, à analyser dans ce secteur. On voit aussi des coachs femmes dans les équipes. On commence donc à voir une féminisation de l’esport, mais c’est du côté des joueuses que cela prend le plus de temps, d’une part pour dénicher les talents, mais aussi pour remotiver les filles.

Le fait d’être une femme vous a-t-il compliqué la tâche dans votre parcours professionnel ?

La chance que j’aie eu c’est que, professionnellement, j’ai toujours été entourée de personnes qui ne m’ont pas traité différemment parce que j’étais une femme, je pense par exemple à des personnes comme Chips et Noi ou Bertrand Amar. J’ai été épaulée par les bonnes personnes et c’est vraiment ça qui m’a aidé à persévérer. La communauté, elle, n’a pas été tendre. Dans les premières années, les gens n’écoutaient même pas ce que je disais, ils partaient du principe que j’étais une fille, que ça n’allait pas être intéressant et que je ferais mieux de laisser parler les autres. C’est facile de se laisser avoir en lisant les messages, mais heureusement, j’étais entourée par ces personnes qui me rappelaient que j’étais là pour mes compétences. Les choses ont évolué aujourd’hui, mais c’est vrai que cet a priori négatif dès le départ, uniquement parce que j’étais une femme, était difficile à entendre.

Comment imaginez-vous que l’on puisse venir à bout de ce type de préjugés ?

Je pense que plus on aura de modèles, plus ça motivera les jeunes femmes à tenter l’aventure. Et plus le public verra de profils féminins, moins ça paraîtra unique, anormal. On m’interroge souvent sur ma place de femme dans l’Esport mais je n’ai pas envie d’être reconnue parce que je suis une femme, j’ai envie d’être reconnue en tant que professionnelle, parce que je suis compétente dans ce que je fais. Je suis contente aujourd’hui parce que je vois pleins de jeunes filles qui m’envoient des messages pour me dire qu’elles aiment ce que je fais, qu’elles aimeraient le faire aussi et je leur réponds avec plaisir. Quand parfois j’en viens à douter de mes compétences, ce type de messages me donne envie de persévérer. C’est vraiment une reconnaissance d’être un modèle pour certaines personnes, parce que j’ai vraiment envie qu’on soit de plus en plus.

Avez-vous des conseils à donner à celles qui souhaiteraient travailler dans ou autour de l’industrie du jeu vidéo ?

Il faut se faire confiance à soi-même et en sa passion, en ce qu’on a envie de faire. Il y a de la place pour tout le monde et j’espère qu’elles pourront trouver des opportunités. Chacun a quelque chose à apporter, chacun a un regard différent, que ce soit sur l’esport, le jeu, la compétition… Ma porte est toujours ouverte, mes DMs le sont également, parce que pour trois ou quatre messages horribles que je reçois, j’ai une dizaine de personnes qui me demandent de l’aide et je suis heureuse de pouvoir les aiguiller. Le monde professionnel de l’esport est accueillant et j’espère que celles ayant envie de l’intégrer sauront trouver la motivation pour passer outre les commentaires négatifs, parce qu’une fois qu’on les a dépassés, c’est tellement beau, c’est un univers vraiment passionnant.

Merci à Laure Valée d’avoir pris le temps de répondre à nos questions. Vous pouvez suivre son travail sur son compte Twitter et Youtube.