Les portraits du jeu vidéo : entretien exclusif avec Morgane Falaize, présidente de Women in Games

Nous avons pu nous entretenir avec Morgane Falaize, co-fondatrice de l’agence de Relations Presse Minuit Douze et récemment élue nouvelle présidente de l’association Women in Games. Dans cet entretien, elle évoque son parcours, sa passion pour les jeux vidéo, mais également son rôle au sein de Women in Games et les divers projets de l’association.

Comment le jeu vidéo est-il entré dans votre vie ?

Le jeu vidéo est entré chez moi par ma mère. Mon frère et moi avons eu une Megadrive pour Noël, on a beaucoup joué à Sonic, Aladdin, Le Roi Lion… C’est aussi elle qui nous acheté nos premiers jeux PC, comme Simon le Sorcier ou Day of the Tentacle, et à partir de là, la boite de Pandore était ouverte. J’ai beaucoup joué sur PC donc par la suite, j’allais dans un magasin et je demandais au vendeur de me conseiller par rapport à mes préférences de jeu. Un jour on m’a proposé Baldur’s Gate et une grande histoire d’amour a commencé à ce moment-là.

Est-ce que vous jouez encore aujourd’hui ?

Tout à fait, j’ai un abonnement Xbox Game Pass que je vénère totalement. L’équilibre entre l’offre AAA et jeux indépendants est au rendez-vous, et avoir un grand nombre de jeux Bethesda pour moi c’est du pain béni, je suis une adepte de Doom Eternal… Et puis j’aime bien les jeux d’horreur et j’étais vraiment épatée que Visage rejoigne le catalogue, c’est vraiment le jeu qui m’a fait le plus peur ces derniers mois.

© Max Besnard

Allier cette passion à votre profession était-il un but avoué dès le départ ?

Pendant mes études de communication, je n’envisageais pas particulièrement de travailler dans l’industrie du jeu vidéo, je me demande même si je savais que l’industrie du jeu vidéo existait ! Et puis je suis tombée sur un stage de communication interne chez Ubisoft et ça a été une découverte. Je me suis rendue compte que l’on pouvait travailler dans un secteur dont on appréciait les produits. Après plusieurs autres expériences, j’ai fini par me mettre à mon compte en tant qu’attachée de presse et en parallèle je tenais un blog, qui m’a notamment permis de développer mon carnet d’adresse dans l’industrie. Un an plus tard, avec mon associée Sophie d’Almeras, nous fondions l’agence Minuit Douze.

Quelle est votre histoire avec Women in Games ? Comment en êtes-vous devenue présidente ?

Je suis rentrée assez tôt dans l’association, parce que je me sentais proche des enjeux défendus par celle-ci. Et puis j’ai avancé dans mon cheminement personnel, j’avais envie de faire bouger les lignes, et je suis tombée sur une annonce de Women in Games disant que l’association allait renouveler le conseil d’administration et que les candidatures étaient ouvertes. J’ai très vite su que c’était ce qu’il fallait que je fasse, pour avoir un impact, ou tout du moins participer à améliorer l’industrie pour laquelle je travaille tous les jours. Pour moi c’était la combinaison parfaite.

Comment définiriez-vous l’association ?

On peut parler de quatre axes principaux. Le premier, c’est de rendre les femmes du jeu vidéo plus visibles en mettant en avant des modèles, qui pourront inspirer d’éventuelles candidates. Un autre axe, c’est d’aider au développement professionnel du secteur, avec des formations, des accompagnements précis : comment rédiger un C.V., mener un entretien d’embauche, etc. Nous souhaitons aussi sensibiliser les acteurs du secteur aux intérêts de la mixité, et enfin, nous voulons informer les jeunes filles sur les métiers du jeu vidéo, parce que si l’on veut plus de mixité, il faut aussi qu’elles se sentent invitées, qu’on leur montre qu’il existe des métiers pour elles, que l’on arrête de penser que certains métiers sont genrés.

© Max Besnard

Aujourd’hui, vous êtes devenue un modèle pour ces jeunes filles, est-ce un rôle difficile à porter ?

C’est quelque chose que j’aime beaucoup parce que j’adore cette notion de transmission, j’aime encourager, motiver les gens, les rassurer sur leurs capacités. Je n’ai réussi à dépasser le syndrome de l’imposteur que très récemment, parce que je ne suis pas développeuse, ni artiste 3D, et pendant quelque temps je me suis sentie peut-être moins légitime que d’autres personnes pour parler au nom des professionnelles du secteur. Mais aujourd’hui, aussi grâce à Julie Chalmette, l’une des co-fondatrices de Women in Games, je sais que j’ai une autre valeur avec mon métier de réseau et l’association peut tout aussi bien en bénéficier.

Depuis sa création en 2017, avez-vous constaté une évolution en France ?

Faire évoluer les mentalités, c’est un travail sur le long terme, c’est donc difficile de mesurer une évolution sur une période aussi courte. En revanche, les chiffres parlent : selon le baromètre annuel du SNJV (Syndicat National du Jeu Vidéo), en 2018, 15 % de femmes travaillaient dans les entreprises de jeu vidéo, aujourd’hui, nous en sommes à 22 %. On est certes encore loin de la parité, mais cela reste une évolution et c’est ce que l’on veut mettre en avant. On observe également plus de reconnaissance, plus de volonté de la part des journalistes d’inclure des femmes dans leurs panels, nous avons régulièrement des demandes dans ce sens. Il y a une véritable prise de conscience en France, on s’en rend compte. Women in Games bénéficie d’une bonne image aujourd’hui et les questionnements sont nombreux, nos interlocuteurs et interlocutrices veulent savoir comme s’y prendre, comment passer à l’action et nous sommes là pour montrer la voie.

Quels sont les projets à court et à moyen terme envisagés par l’association ?

En 2022, nous avons pour projet de créer un tour de France Women in Games, pour aller au contact des personnes en région, à la rencontre de nos partenaires sur place et organiser des sessions dédiées à nos membres. Nous aimerions mettre en place un cycle de conférences ou d’ateliers pour nos membres, qui répondraient à certaines questions comme comment pitcher son jeu à un éditeur, comment trouver des financements, etc. Nous aimerions également créer une Game Jam et relancer des programmes de mentorat, où une personne senior accompagne une personne junior pour lui donner des conseils sur un métier en particulier. Enfin, nous travaillons beaucoup avec les écoles, qu’il s’agisse d’écoles dédiées au jeu vidéo, mais aussi de la sensibilisation en amont, dès le collège ou le lycée, quand on pense aux stages de 3ème par exemple.

Quels conseils donneriez-vous à celles qui souhaitent travailler dans l’industrie du jeu vidéo ?

S’il y a encore des réticences, il ne faut pas hésiter à venir nous poser vos questions sur notre serveur Discord, nous y sommes vraiment entre professionnelles et ce seront des conseils très concrets. Sinon, je pense qu’aujourd’hui les acteurs du jeu vidéo ont compris l’intérêt d’avoir plus de femmes dans leurs équipes, celles-ci ont donc clairement un coup à jouer. Le tout, c’est de passer le cap.

Merci à Morgane Falaize d’avoir pris le temps de répondre à nos questions. Pour rappel, vous pouvez rejoindre gratuitement l’association Women in Games ou faire un don pour l’aider dans ses démarches.