Entre héritage et modernité, entretien avec Xavier Thiry, compositeur de la bande-originale d’Arkanoid – Eternal Battle

Paru en 1986, Arkanoid s’est rapidement ajouté au vaste catalogue panthéonesque de Taito, qui pouvait déjà se vanter d’avoir produit des pépites tels que Space Invader, Bubble Bobble, Wild Western ou encore The Ninja Warior. Alors forcément, quand avec Arkanoid Eternal Battle, la licence atterrit entre les mains des Français de Pastagames, et qu’eux mêmes confient la bande-son à un Français, nous avons eu envie d’en savoir plus. Discussion avec Xavier Thiry, le compositeur de la bande-son d’Arkanoid Eternal Battle.


Quel est votre parcours et sur quels précédents titres avez-vous pu apporter votre contribution ? Comment êtes-vous rentré dans le monde de la musique ?

J’ai commencé le piano quand j’étais enfant, puis les instruments de la pop (basse, guitare, batterie), et j’ai toujours enregistré des choses, même avec les moyens du bord. J’ai toujours aimé la magie d’additionner différents instruments, de les faire jouer ensemble. Je travaille comme arrangeur/réalisateur pour des disques d’artistes, je fais aussi des musiques pour des programes TV ou des spectacles. Et bien sûr des musiques de jeux vidéo, en ayant surtout travaillé avec des studios indépendants (Pastagames, Arkedo, Darjeeling…). Deux titres auxquels je suis spécialement attaché sont Pix the Cat, le très cool jeu d’arcade de Pastagames et Californium, un jeu très spécial consacré à Philip K. Dick, du studio Darjeeling.

Comment fonctionne votre relation avec Pastagames ? Comment travaillez-vous avec eux et comment vous êtes-vous retrouvé à collaborer avec leurs équipes ?

Sans même penser devenir musicien professionnel, j’ai d’abord eu une formation scientifique, et j’ai débuté chez eux comme développeur. De fil en aiguille, j’ai proposé de plus en plus de musiques, jusqu’à lâcher définitivement le codage, en offrant par la suite mes services à différents studios. J’aime justement beaucoup cette interaction entre création et technique, et avoir une vraie relation d’échange avec les développeurs.

Quelles ont été vos principales inspirations pour composer la bande-originale d’Arkanoid – Eternal Battle ?

Il a été dit assez tôt dans une discussion : “John Carpenter !”. Et la référence m’est restée. L’esthétique synthwave 80’s est déjà pas mal éprouvée, mais c’est toujours un plaisir de travailler sur ces timbres, et ça semblait coller vraiment bien avec les visuels “néon” du jeu. Il y a aussi quelques références 90s, de dance par exemple, un registre pas très noble mais que j’aime beaucoup ! Chez Pastagames, le “Fever Time” de Pix the Cat est un moment entre hystérie et fête foraine que nous apprécions tous beaucoup.

Quel est votre relation avec Arkanoid et plus globalement les jeux d’arcade des années 80 ? Comment avez-vous découvert le jeu vidéo ?

J’ai grandi dans les années 80, avec un Amstrad CPC 6128, et les bornes d’arcades au fond des cafés (quand on me laissait rentrer). Arkanoid fait clairement partie des jeux auxquels j’ai joué ! Il était assez dur d’ailleurs. En borne j’y ai perdu de l’argent assez vite c’est sûr, par contre sur Amstrad je me suis bien vengé et y ai joué des heures. D’ailleurs, j’adorais aussi un de ses concurrents Krakout. J’ai surtout une culture arcade, quand les générations de consoles suivantes sont arrivées, je me consacrais plutôt à la musique, aux groupes avec les copains, je suivais d’un peu plus loin l’évolution du jeu vidéo.

Avez-vous composé la musique après avoir testé les premières versions jouables du titre ?

Oui j’ai besoin de jouer au jeu pour commencer à “entendre” des musiques. C’est indispensable, j’essaie de ressentir un mouvement, un tempo. Je pars du rythme, c’est crucial, je cherche l’hypnose, une sensation unifiée entre les actions du joueur, les images et la musique. La musique doit pousser le joueur aussi, maintenir l’atmosphère même quand le gameplay est moins intense, elle doit le garder dans le bain.

Quel était selon vous le déroulement typique d’une session de création d’un morceau pour Arkanoid – Eternal Battle ?

Il n’y avait pas de déroulement typique, à part beaucoup d’aller-et-retour entre produire des idées musicales et les tester dans le jeu. Le travail le plus exigeant était sur le Battle Royale, qu’il fallait faire évoluer au fil du temps pour accompagner la montée en pression. J’utilise des idées musicales très simples pour ça : monter la tonalité, accélérer le tempo… Mais ça demande de jouer beaucoup pour tout bien ajuster, il faut bien accompagner la progression. Et garder en tête un enjeu essentiel en musique : le bon dosage entre répétition (pour l’immersion) et surprise (pour éviter l’ennui). Quand ces choses-là semblent bien posées, on peut aussi tester de rendre la musique encore un peu plus interactive, en la faisant réagir aux combos et à la position du joueur. Quand on fait la course en tête, la musique se veut plus puissante, par exemple.

Avez-vous eu une rencontre “coup de cœur” avec un jeu ou un compositeur dans l’industrie ?

Les occasions de se rencontrer ne sont pas si nombreuses, mais j’ai croisé plusieurs fois Christophe Héral, excellent compositeur et très bon camarade, toujours agréable et intéressant ! Sur un plan international, j’ai été ravi de pouvoir aller assister à une conférence du compositeur Disasterpeace, qui était de passage à Paris il y a quelques années. Son esthétique est magnifique, j’écoute très régulièrement l’OST d’Hyper Light Drifter.

Quel est votre setup ? Sur quoi composez-vous ?

Au cœur de mon ordinateur il y a le logiciel Reaper, et ensuite j’essaie en priorité d’utiliser des instruments réels, comme mes fidèles synthétiseurs Korg MS10 et Dave Smith Mophox4, un sampler MPC où on tape les rythmes avec les doigts, la boite à rythme Roland TR808… Il y a aussi toutes sortes de guitares, un saxophone, un accordéon, mais alors là, pour Arkanoid… L’accordéon est resté rangé au placard ! Par contre, j’ai beaucoup utilisé le synthétiseur virtuel Zebra, qui est super.