Entretien avec le studio MDHR sur la localisation de Cuphead

La mise à jour gratuite de Cuphead sur Xbox One, disponible depuis vendredi 19 avril, apporte de nouvelles fonctionnalités, des animations et d’autres changements pour préparer l’avenir. L’une des nouveautés les plus marquantes est sans doute l’arrivée de Mugman comme personnage jouable en solo, accompagné de sa propre musique de fin de niveau. Mais cette mise à jour met aussi à l’honneur l’impressionnant travail mené par le Studio MDHR pour localiser Cuphead dans plusieurs langues. Nous avons pu discuter avec Chad Moldenhauer, codirecteur de MDHR, sur la traduction, la direction créative et l’étonnant succès du jeu depuis sa sortie il y a un an.

Xbox Wire : Voilà un an que Cuphead est sorti sur Xbox One. La dernière mise à jour apporte la prise en charge de nombreuses langues. Qu’est-ce qui vous a incité à revenir sur ce jeu, à y ajouter de nouvelles animations et à le faire traduire ?

Chad Moldenhauer : Dès le départ, nous voulions offrir Cuphead dans différentes langues. Nous avions d’ailleurs l’intention de proposer un jeu multilingue dès sa sortie. Toutefois, quand nous avons découvert ce que le travail de traduction impliquait pour que les textes soient authentiques, nous avons vite compris que c’était une tâche bien trop importante pour que tout soit prêt à temps.

Compte tenu de tout l’amour et du soin que nous avons apporté à la version anglaise du jeu – et notamment les références aux jeux vidéo dans les animations et les personnages –, nous avions envie que toutes les autres langues bénéficient de la même qualité. Nous avons donc pris la décision difficile de sortir Cuphead en anglais seulement, afin de prendre le temps de monter une équipe incroyable de traducteurs capables de faire honneur aux 11 nouvelles langues. Nous sommes très heureux du résultat !

Quant aux nouveautés visuelles – la possibilité de jouer Mugman et les cut-scenes animées –, il s’agissait d’objectifs que nous nous étions fixés en interne pendant le développement. Comme beaucoup de développeurs, nous avions fini par mettre ces ajouts de côté à l’approche du lancement, mais nous avons toujours su que nous y reviendrions. Le jeu ne nous paraissait pas complet sans cela !

XW : Quels ont été les plus grands défis en matière de design avec cette mise à jour de ?

Moldenhauer : La plupart des difficultés concernaient la partie visuelle. Quand nous avons commencé à intégrer les différentes langues, nous nous sommes aperçus que les traductions pouvaient être plus ou moins longues, qu’il s’agisse des noms des boss ou des dialogues des PNJ.

Comme Cuphead est principalement réalisé à la main, nous avons dû travailler sur chaque version linguistique une à une et repasser tout le jeu au peigne fin pour être sûrs qu’il n’y avait pas de lignes de texte qui sortaient du cadre, comme dans les cut-scenes par exemple. C’était un travail très méticuleux !

Outre les nouvelles animations, les langues et la calligraphie nous ont donné l’occasion de revoir la manière dont nous regroupions nos assets et de procéder à quelques optimisations pour que cette mise à jour ne ralentisse pas le jeu. Au contraire, nous avons même réussi à réduire les temps de chargement sur Xbox One, ce qui nous rend très fiers !

XW : Les joueurs qui ont pu essayer le jeu depuis sa sortie ont pu voir l’influence des anciens cartoons américains qui confère à Cuphead sa personnalité unique. Avec cette mise à jour, les nouvelles versions linguistiques s’accompagnent aussi de polices de caractère influencée par les dessins animés japonais, coréen et chinois. Quelles ont été vos influences pour ces régions ?

Moldenhauer : Ce qui est intéressant, c’est que nous faisons référence à des dessins animés locaux de l’époque, mais aussi à des médias physiques, comme des affiches, de la calligraphie et même des livres. Nous avons tout analysé, des emballages des cartes Hanafadu aux affiches de tourisme, et cela a servi de références pour nos artistes. Même si c’était loin d’être notre seule inspiration, le dessin animé japonais qui me vient en tête est Ugokie kori no tatehiki, une sorte de Tom et Jerry fantaisiste qui reprend le mythe classique du garçon qui criait au loup dans le Japon des années 1930.

XW : Comment était-ce de travailler avec des calligraphes professionnels pour donner vie au texte des boss et des niveaux ? Pouvez-vous nous parler de ce processus ?

Moldenhauer : C’était un vrai plaisir de travailler avec nos deux calligraphes, Keisuke Chiba (qui s’est occupé du lettrage coréen et japonais) et Shiyuan « Sheera » He (pour le chinois). Comme nous n’avions aucune expérience sur les techniques de calligraphie dans d’autres langues, c’était une expérience très enrichissante de les voir créer des lettres dans ces langues asiatiques.

C’était un vrai travail d’équipe. Nous avons commencé par leur soumettre plusieurs références pour qu’ils définissent le style général des lettres en respectant la graisse, la personnalité et l’époque. Après avoir choisi un style pour chaque langue, nous avons laissé une grande liberté créative aux artistes tout en leur donnant des informations sur la mise en page et l’espacement pour que tout soit cohérent dans le jeu.

Après avoir passé tant de temps sur la création de Cuphead avec le typographe Warren Clark, c’était génial de laisser deux autres artistes s’amuser.

XW : Durant vos recherches pour cette mise à jour, avez-vous découvert des personnages ou des styles artistiques qui vous ont particulièrement marqués ?

Moldenhauer : Sans vouloir faire de réponse trop convenue, je dirais que presque tous les styles de dessins à la main d’autres pays étaient nouveaux pour nous. Avec Cuphead, nous tenions vraiment à rendre hommage à un style et une époque spécifique de l’animation américaine, donc travailler sur la calligraphie de langues comme le japonais nous a ouvert les yeux sur des facettes complètement différentes de l’art et de l’animation que nous avons appris à apprécier.

XW : Outre les langues asiatiques, vous avez aussi travaillé sur le français, l’italien, l’allemand, le russe et d’autres langues encore. Ces versions localisées ont-elles aussi été influencées par les vieux dessins animés locaux ?

Moldenhauer : Ce dont nous sommes très fiers avec ce travail de traduction, c’est que chaque linguiste, pour chaque langue, a fait l’effort d’aller au-delà de la « localisation » pure pour vraiment essayer de « culturaliser » chaque traduction. Les traducteurs ont pris grand soin de reprendre le sens anglais des titres, des phrases et des dialogues pour trouver une interprétation qui ait du sens et qui fasse écho à l’époque concernée dans le pays de destination. Ils ne se sont pas contentés de traduire les textes originaux littéralement, mais ils ont trouvé des idées et des concepts qui parlent à chaque public.

Il est aussi intéressant de noter que lorsque nous avons créé Cuphead, nous avons essayé de nous ancrer véritablement dans le paysage médiatique des années 1930, et pas seulement dans les cartoons. Nous nous sommes inspirés des affiches, des films, des livres, des principes graphiques, des cartes à échanger, des almanachs… de tout !

XW : Avez-vous un message pour les joueurs du monde entier qui vont pouvoir découvrir Cuphead dans leur langue ?

Moldenhauer : Le sentiment que nous avons vraiment voulu susciter avec Cuphead est la nostalgie, que ce soit pour les jeux d’action sur bornes d’arcade des années 1980 et 1990, les cartoons en 2D animés à la main ou la musique orchestrale. Nous espérons que le travail réalisé pour la localisation permettra à un plus grand nombre de joueurs de ressentir cette nostalgie.

Quant à ceux qui ont attendu que le jeu soit disponible dans leur langue avant de l’essayer, nous ne pourrons jamais assez les remercier de leur patience. Nous avons essayé de faire les choses au mieux et nous espérons qu’ils passeront un bon moment sur ce jeu.

 

Merci Chad d’avoir pris le temps de parler de Cuphead et de sa grande mise à jour sur le Xbox Wire. Suivez le Xbox Wire en français pour tout savoir sur Cuphead et tous vos jeux Xbox One préférés.