10 minutes avec Luis Antonio, le créateur de Twelve Minutes
Depuis les premières images aperçues lors de la conférence Microsoft de l’E3 2019, Twelve Minutes intrigue, fascine et questionne… Mais l’attente touche à sa fin, vous pourrez bientôt télécharger dès aujourd’hui le jeu, qui est inclus dans le Xbox Game Pass sur Xbox One, Xbox Series X|S, PC, et disponible via le xCloud. Pour en savoir plus sur ce titre singulier, L’équipe Xbox France a pu s’entretenir en exclusivité avec son créateur, Luis Antonio.
Comment décririez-vous Twelve Minutes ?
Twelve Minutes est un thriller interactif mettant en scène un homme piégé dans une boucle temporelle, un concept qui peut rappeler des films comme Un Jour Sans Fin ou Edge of Tomorrow. Au début du jeu, vous rentrez du travail pour passer la soirée avec votre femme, puis un policier frappe à votre porte et accuse votre femme de meurtre : elle aurait tué son père plusieurs années auparavant. Vous essayez d’intervenir mais le policier vous assomme et vous vous réveillez au début de la soirée. D’ici, vous devrez mettre à profit ce que vous avez appris du déroulé de la soirée pour essayer d’en changer le dénouement et de briser la boucle.
Quelles œuvres vous ont influencé ?
Du côté du jeu vidéo, je dirais que l’une des inspirations principales est le genre du point-and-click classique, je pense aux titres de Ron Gilbert et Tim Schafer comme Monkey Island ou Day of the Tentacle. Ils offrent une vraie richesse en termes d’interactions tout en laissant la part belle au scénario, qui reste ouvert. Je pourrais aussi citer des jeux de plateformes classiques qui mettent la narration en avant, comme Prince of Persia de Jordan Mechner ou Another World, d’Éric Chahi. Ce sont des titres qui parviennent à mêler gameplay et narration, pour un résultat cinématographique.
D’un point de vue cinématographique justement, ce sont les réalisateurs capables d’utiliser tous les outils à leur disposition pour raconter une histoire qui m’ont inspiré : la caméra, la conception du plateau, l’éclairage, la musique, etc. Je citerais Hitchcock par exemple, avec Fenêtre sur Cour où tout est filmé depuis le balcon, ce qui nous contraint à conserver le point de vue du protagoniste principal. Dans un autre contexte, Christopher Nolan, dans Memento, joue avec la temporalité pour retranscrire les problèmes de mémoire du personnage.
Puisque l’on parle de cinéma, vous auriez pu raconter votre histoire avec un film, pourquoi avoir choisir le jeu vidéo ?
Je ne suis pas sûr que j’aurais pu. Cette expérience a été conçue pour que vous soyez actif, après tout, le jeu vidéo est un medium interactif. Il y a une sorte d’échange constant entre vous et l’expérience que vous traversez. Le jeu vous propose différents verbes et vous pouvez les utiliser pour vous exprimer, mais cela change selon votre manière de jouer. Dans un film ou un livre, les événements se dérouleront toujours de la même façon, vous pouvez imaginer des choses que l’on ne vous dit pas, mais vous ne pourrez jamais vous adapter et changer les événements selon ce qu’il se passe.
Le concept de boucle temporelle est toujours délicat à manier dans la fiction, comment l’avez-vous approché ?
Personnellement, je trouve que c’est libérateur, surtout dans le cas du jeu vidéo. Par nature, les jeux sont des boucles temporelles : à chaque fois que vous faîtes quelque chose considéré comme étant une erreur par le jeu, vous êtes souvent ramené au début du niveau et devez recommencer. En ce qui me concerne, je peux me servir de cet état de fait pour l’inclure à la narration. Le jeu ne vous pénalise pas lorsque vous faîtes des erreurs, puisque en apprenant plus de choses, vous progressez et pourrez mieux vous en sortir la fois suivante. La répétition devient en quelque sorte réconfortante et vous permet d’expérimenter comme vous l’entendez, puisque le jeu vous récompense lorsque vous le faîtes.
Vous avez dit vouloir créer un titre jouable par celles et ceux ne jouant pas énormément. Comment réussissez-vous à vous adresser également à un public plus exigeant ?
Je ne crois pas que penser à celles et ceux qui ne jouent pas ou peu ne rende le titre moins séduisant pour ceux qui consacrent beaucoup de temps à cette passion. Je souhaitais créer quelque chose d’accessible en termes d’interactions, mais l’expérience, les énigmes et le gameplay n’en sont pas pour autant simplifiés. Le jeu est rempli de défis et peut être complexe, il est simplement plus accessible : pas besoin donc de savoir se déplacer à la première personne ou de maîtriser un grand nombre de boutons et leurs fonctions pour interagir avec ce qui vous entoure.
Pourquoi avoir choisi une vue du dessus ? Comment faîtes-vous pour retranscrire les émotions avec cette perspective ?
Au début, j’ai choisi cette vue parce que c’était plus facile pour moi. A l’époque, j’apprenais à programmer en même temps que je développais le jeu. Deux axes de mouvements et aucun problème de caméra, cela me facilitait largement la tâche. Au fil du développement, je n’ai trouvé aucune raison valable pour changer l’angle de la caméra. Il est plus facile de se déplacer, je n’ai pas besoin de travailler sur des expressions faciales complexes et de toute façon, je trouve que nous ne disposons pas encore de la technologie nécessaire pour rendre justice aux jeux narratifs en la matière. Et puis c’est devenu un moyen facile d’identifier le jeu : en une seule image, vous savez qu’il s’agit de Twelve Minutes. Enfin, je trouve que ce point de vue correspond aux thèmes que j’aborde, il crée un sentiment de claustrophobie et on a une impression de voyeurisme… En ce qui concerne les émotions, nous avons compris qu’il suffisait du mouvement des corps et des voix pour que l’on imagine ce que ressentent les personnages, ce qui rend le tout encore plus personnel.
Pourquoi avoir choisi ce casting impressionnant pour doubler les personnages du jeu ?
Le gameplay seul, sans voix, pourrait fonctionner, mais il est important que vous vous préoccupiez du destin des personnages, c’est ce qui détermine les choix que vous ferez. Nous voulions aussi réduire l’écart entre le cinéma et le jeu vidéo, c’est pour cela que je parle de thriller interactif, la narration s’incorpore à ce que vous êtes en train de faire, il ne s’agit pas de simples cinématiques. Ce casting talentueux nous a aidé à nous rapprocher de ces objectifs et à donner plus de charme à l’ensemble.
Que pensez-vous du Xbox Game Pass en tant que joueur et en tant que développeur ?
D’un point de vue consommateur, les services comme Netflix ou Spotify sont les tendances du moment. Ce type d’abonnements permet de choisir le contenu que l’on aime mais aussi d’essayer de nouvelles choses. C’est pareil avec le Game Pass, on peut naviguer dans un grand catalogue et prendre le risque de quitter sa zone de confort, c’est le meilleur moyen de tomber sur des pépites à côté desquelles on aurait pu passer. En tant que développeur, je suis content de pouvoir toucher un public plus large, qui pourra facilement essayer le jeu.
Comment vous sentez-vous à l’approche de la sortie du jeu aujourd’hui, avez-vous hâte que les joueuses et les joueurs essayent Twelve Minutes ?
Je suis très enthousiaste. Le chemin fut long mais nous y sommes enfin. Ça a été une aventure très amusante, j’adore développer des jeux, mais ceux-ci sont fait pour être joués et le moment est enfin venu !
Merci à Luis Antonio d’avoir pris le temps de répondre à nos questions. Pour rappel, Twelve Minutes sera disponible dès aujourd’hui dans le Xbox Game Pass sur Xbox One, Xbox Series X|S et PC Windows 10.