Entretien exclusif avec Sébastien Benard, créateur de Nuclear Blaze
Après avoir été Lead Designer de Dead Cells, Sébastien « deepnight » Benard a choisi de travailler en solitaire, ou presque, pour son nouveau projet. Celui-ci se nomme Nuclear Blaze, un jeu qui vous invite à incarner un pompier qui devra affronter les flammes, bien sûr, mais aussi tenter de comprendre un phénomène bien plus mystérieux… Afin d’en savoir plus, nous avons échangé avec Sébastien, qui nous parle de son parcours, de ses inspirations et de la création de Nuclear Blaze, disponible sur Xbox grâce au travail de Red Art Games.
Pourquoi avez-vous choisi de travailler en solitaire après la réussite de Dead Cells ?
Dead Cells était un peu le projet de la dernière chance pour le studio Motion Twin et si on s’attendait à ce que le jeu rencontre un certain succès, nous étions loin d’imaginer l’ampleur que les choses allaient prendre. Ça nous a surpris en bien, mais nous avons aussi eu du mal à gérer cette notoriété soudaine et les attentes que celle-ci allait forcément générer. C’est le moment que j’ai choisi pour essayer de profiter de ce succès d’estime en partant sur des projets à mon échelle, sans avoir à assumer la responsabilité de l’héritage de Dead Cells. J’avais envie de créer des mécaniques inédites, de prendre des risques tout en conservant un plaisir de jeu immédiat et le premier projet adoptant cette philosophie a été Nuclear Blaze.
Comment est né ce projet ?
Initialement, c’était une création pour une game jam de 48 heures, la Ludum Dare. J’avais choisi l’univers des pompiers parce que c’est une idée qui m’a toujours trottée dans la tête et que mon fils, qui avait 3 ans à l’époque, était aussi un fan de pompiers. La game jam, c’est l’occasion parfaite pour tester une idée et je me disais que c’était étrange qu’il n’existe pas plus de jeux de pompiers grand public, parce que tout le monde adore ça ! À l’origine, seules les mécaniques de retours de flammes et d’extinction des feux étaient présentes, mais comme le prototype a rencontré pas mal de succès lors de la game jam, j’ai décidé de l’étoffer. Je me disais aussi que pour un premier projet, partir sur des ambitions modestes était plus prudent : en choisissant ce jeu, je limitais les risques de me perdre dedans, d’en faire trop. Et quand j’ai annoncé ça à mon fils, il était ravi ! C’était mon premier testeur d’ailleurs !
Comment définiriez-vous l’atmosphère du jeu principal ?
Je voulais créer une ambiance mystérieuse, mais ne rien montrer, ne pas tomber dans le registre horrifique, mais proposer deux niveaux de lecture, pour qu’un enfant comme un adulte puissent profiter du jeu. J’aime l’idée que quelque chose d’absurde puisse potentiellement devenir effrayant, qu’un objet du quotidien puisse devenir terrifiant, anormal..
Le jeu propose un « mode enfants », qu’est-ce qui a motivé sa création ?
Quand mon fils a essayé de jouer, j’ai vite réalisé que la coordination entre les touches et les directions était quelque chose qui semble acquis pour celles et ceux qui jouent depuis longtemps, mais qui nécessite tout de même un apprentissage. Dans ce mode, il suffit d’aller à droite pour arriver à la moitié du niveau, puis d’aller à gauche pour revenir une fois que l’on a sauvé les chats. En tant que développeur, la conception de ce mode m’a été très utile, il fallait que je comprenne ce qui faisait l’essence d’un jeu de plateforme, quels contrôles étaient à minima nécessaires et comment rendre les choses simples, mais pas simplistes. C’était extrêmement intéressant et ça m’a également permis de développer les différentes assistances présentes dans les autres modes, de comprendre quels étaient les éléments de friction qui pouvaient générer de la frustration.
De quel aspect de Nuclear Blaze êtes-vous particulièrement fier ?
Je pense forcément avant tout aux secrets. Je ressens souvent de la frustration dans certains jeux en monde ouvert, quand j’arrive à atteindre un endroit difficile d’accès, comme un toit ou un recoin bien caché, et que je n’y trouve rien, même pas un bout de papier avec une note. Dans Nuclear Blaze, j’ai tout fait pour incorporer des zones cachées, des objets, pour vous donner le sentiment qu’il est toujours utile de passer du temps à chercher. Et lors des premiers retours, j’ai vite compris que le fait de, par exemple, devoir trouver un chat dissimulé dans chaque niveau faisait vraiment partie intégrante du jeu, que c’est un aspect que la communauté aime énormément. Récompenser la curiosité des joueuses et des joueurs, c’est quelque chose qui me plaît beaucoup et que je souhaite continuer à faire dans mes prochains projets.
Quelles conclusions tirez-vous de ce premier projet en solitaire ?
Je n’ai pas été véritablement seul, l’équipe de Red Art Games s’est chargée des versions consoles, j’ai travaillé avec un compositeur pour la musique, avec des traducteurs… Pour le reste, être seul maître à bord permet par exemple de prendre toutes les décisions, sans avoir à se justifier en cas de revirement. Mais c’est aussi un risque, car on a besoin de regards critiques, de retours d’autres personnes. Je dirais donc qu’il y a des avantages mais aussi des inconvénients, je suis très content de ne pas avoir à discuter et à négocier, mais je sais aussi que lorsque l’on collabore, que tout le monde est au courant de tout, ça peut être très stimulant.
Quels conseils donneriez-vous à celles et ceux souhaitant eux aussi développer un jeu en solitaire ?
Je leur conseillerais de faire plusieurs jeux à petite échelle. Il ne faut pas hésiter à intégrer des partis pris radicaux, mais selon moi l’expérience doit rester courte, légère. On voit aujourd’hui qu’il existe des joueuses et des joueurs qui aiment ce type de jeux et c’est rassurant. D’ailleurs, je recommanderais aussi aux joueuses et aux joueurs de prêter attention à ces titres qui a priori ont des ambitions moindres, car ils véhiculent souvent des émotions que l’on n’a pas l’habitude d’avoir.
Avez-vous des conseils pour celles et ceux qui se lanceront dans l’aventure ?
Eh bien justement de faire preuve de curiosité ! Pour vous donner un exemple, à l’origine, j’avais même créé un moyen d’éviter le dernier boss du jeu… J’ai finalement décidé de fermer cet accès, parce que je trouvais ça trop permissif, mais vous y trouverez tout de même un message, dans lequel le level designer s’adresse directement à vous, remarquant que vous avez bien réussi à éviter le boss, mais vous expliquant qu’il ne peut bien sûr pas vous laisser faire… De manière générale, je conseillerais de fouiller les recoins, de sauter contre les murs, de faire ce que l’on faisait dans les jeux de plateformes à l’ancienne. Si vous voyez un détail dans un coin de l’écran, allez jeter un œil, il n’est peut-être pas là par hasard…
Avez-vous déjà des informations à nous partager quant à votre prochain titre ?
Pour mon prochain projet, je souhaite mélanger le rogue-like et l’univers du Kung-Fu. C’est un jeu en vue du dessus, dans lequel vous vous battrez contre plusieurs ennemis simultanément en reproduisant tout ce que l’on peut voir dans un film de Kung-Fu. Vous pourrez être en train d’affronter un ennemi de face, puis donner un coup de coude à celui qui arrive derrière vous, avant de lancer un couteau sur un tireur plus éloigné… Je suis un grand fan de John Wick et je voulais que l’on puisse vraiment faire ce dont il est capable, manette en mains. Je suis déjà très content du résultat et j’ai hâte de pouvoir vous montrer ce jeu !
Que pensez-vous du Game Pass, en tant que joueur et en tant que développeur ?
Je suis abonné et ça permis d’essayer beaucoup de jeux AAA. Je ne suis pas forcément client de ce type de titres d’habitude, mais le Game Pass m’a permis d’en tester plusieurs, que j’ai d’ailleurs beaucoup aimés… Ça m’a permis de découvrir de très bonnes idées, des univers prenants, voire de trouver des inspirations. En tant que développeur, je trouve ça intéressant pour toucher de nouveaux publics. Aujourd’hui, pour nous, le nerf de la guerre reste la visibilité et c’est un système qui est idéal pour arriver à cette fin.
Merci à Sébastien Benard d’avoir pris le temps de répondre à nos questions. Nuclear Blaze est disponible sur Xbox One et Xbox Series X|S, et si vous n’avez pas encore essayé Dead Cells, ce dernier est toujours disponible dans le Game Pass.