The Bard’s Tale ARPG est disponible – Interview avec inXile

The Bard’s Tale ARPG: Remastered and Resnarkled sort aujourd’hui, et il est d’ores et déjà disponible dans le Xbox Game Pass pour Console et PC, sur Xbox One et Nintendo Switch avec le support de l’écosystème Xbox. Il fait également partie des titres Xbox Play Anywhere, vos sauvegardes et vos succès y sont donc partagés entre les versions console et PC Windows 10 et bien sûr il suffit de posséder une version pour jouer sur les deux supports. De plus, la version Nintendo Switch vous permettra d’emporter le jeu avec vous et grâce au support de l’écosystème Xbox, vos succès vous suivront également sur cette plateforme.

The Bard’s Tale ARPG est le tout premier jeu du studio inXile, mais aussi la dernière déclinaison de l’univers de The Bard’s Tale, dont les autres épisodes sont également disponibles dans le Xbox Game Pass. Nous avons pu nous entretenir avec Brian Fargo (le barde en chef), Maxx Kaufman (le barde artistique) et Matt Findley (le barde… de la Nouvelle-Orléans), qui nous ont parlé de la fondation du studio inXile, mais surtout de la genèse de leur tout premier titre.

Il s’agissait à l’époque du premier jeu d’un tout jeune studio. Comment qualifieriez-vous l’ambiance à inXile lors du développement de ce titre ?

Brian : J’ai adoré les premiers jours de travail à inXile. Nous étions exclusivement concentrés sur les talents à embaucher et sur les subtilités du jeu qui n’était alors qu’à l’état de projet. Nous n’avons subi aucune pression de la part d’un éditeur lors des six premiers mois du studio, nous pouvions prendre le temps de choisir les bonnes personnes qui allaient participer au développement. Vous allez me dire que c’est un cliché, mais les personnes intelligentes engagent d’autres personnes intelligentes.

Concept de la ville de Finstown (qui est en définitive plus une série d’arbres qu’une ville)

The Bard’s Tale ARPG ne ressemble pas aux autres titres de la série, comment s’inscrit-t-il dans son univers et son histoire ? Quelle a été l’influence des autres jeux de la saga ?

Matt : Nous devions imaginer une histoire et un monde originaux pour éviter tout ce qui relèverait de la violation de copyright de la trilogie d’origine (NDLR : les droits appartenaient alors à un autre éditeur). Mais le monde que nous avons créé appartient à la même mythologie, il s’inspire des mythologies écossaises et celtes qui ont elles-mêmes inspiré The Bard’s Tale bien sûr, mais également un nombre incroyables d’œuvres, de Tolkien à Donjons & Dragons. Nous pourrions dire que notre univers est parallèle à celui de The Bard’s Tale 1 à 4. Les créatures et les lieux peuvent vous rappeler des choses, mais notre Barde vit dans un monde bien à lui.

Le monde est rempli de périls et autres dangers…

Maxx : Personnellement, j’ai essayé de créer quelque chose de totalement nouveau. Les titres passés ne m’ont pas servi de référence, mais nous avions en revanche des références communes, comme certains lieux ou la mythologie écossaise en effet. Nous avons fait des recherches, parlé des structures, des créatures, voilà comment le jeu est né pour moi. Mais lors du développement, notre attitude a changé. Tout a commencé quand j’ai imaginé cette créature appelée « Bugbear »…

Matt : Beaucoup de gens l’ignorent, mais lorsque nous avons commencé à écrire notre jeu, il ne s’agissait pas d’une comédie. Maxx m’a un jour envoyé l’esquisse du Bugbear… Maxx est un artiste de talent, mais cette esquisse en particulier était loin d’être belle. J’ai immédiatement dit : « Ça, c’est pas un Bugbear, ça c’est un mec qui a enfilé un costume de Bugbear qu’il a trouvé dans un magasin de déguisements discount ». Et cette phrase m’est restée en tête, tant et si bien que j’ai fini par écrire une quête digne d’un épisode de Scooby Doo. Dans cette quête, on retrouve Old Man Vinters, un homme caché dans un costume de Bugbear qui terrorise un village pour que ses habitants lui payent une rançon. Lorsque j’ai eu fini d’écrire cette quête, je savais que le jeu venait de devenir une comédie.

La fameuse esquisse du Bugbear, qui a transformé le jeu en comédie.

Maxx : Nous savions que nous voulions être irrévérencieux, que nous voulions surprendre. L’idée, c’était de créer quelque chose de décalé. D’un point de vue artistique, la réponse de Matt m’a finalement permis de m’imaginer encore plus de folies, je ne manquais pas d’idées à décliner dans le jeu.

Pensez-vous que ce jeu a participé à définir ce qu’est inXile ?

Brian : Je pense que ce titre nous a aidé à définir une certaine approche en termes de game design. Nous nous efforçons d’anticiper ce que la joueuse ou le joueur essaiera de faire dans nos jeux et de penser à leur place. Si vous arrivez à remplir ces conditions, votre monde sera toujours plus vivant et plus immersif. Dans The Bard’s Tale ARPG, l’humour repose en premier lieu sur notre héros cynique (Cary Elwes) et son rapport au narrateur (Tony Jay). Et ça fonctionne grâce aux poncifs dont on se moque, mais aussi parce que l’on sait ce que la joueuse ou le joueur va penser à tel ou tel moment. Ce jeu nous a aussi permis de comprendre que les plus petits détails comptent énormément. Ce sont de brefs moments dans le jeu qui reviennent encore et encore plusieurs années plus tard, comme les parties musicales de chant et de danse ou certains dialogues. Et s’impliquer dans ces moments particuliers, voire dans des scènes que tout le monde ne verra peut-être pas, reste un plaisir, car on sait qu’ils auront un impact. Et ça, ça continue à influencer notre manière de concevoir un jeu.

Combien vous pariez que ce viking mort-vivant va revenir à la vie au moment où vous vous y attendez le moins… ?

Un souvenir du développement en particulier à partager avec nous ?

Brian : J’ai adoré travailler avec Cary Elwes lors des sessions d’enregistrement pour la voix du Barde. La première fois que nous nous sommes rendus au studio, il m’a dit qu’il avait pensé à une voix très particulière pour donner vie à notre héros, une voix à l’accent anglais très prononcé. Je n’étais pas vraiment fan de l’idée, mais je savais qu’il était très dur de diriger un acteur et je ne voulais pas que notre session se transforme en naufrage. Quand je suis rentré chez moi ce soir-là, j’ai appelé Matt et lui ai confié que je n’aimais vraiment pas l’enregistrement, il était complètement d’accord avec moi.

Le Barde en personne.

Très vite, le deuxième jour d’enregistrement est arrivé et il fallait que je dise à Cary que nous n’avions pas aimé sa performance, qu’il fallait tout recommencer ET finir l’ensemble en une journée, puisque nous ne l’avions engagé que pour deux jours… J’anticipais terriblement cette conversation. Je décidais d’abord de lui présenter mes excuses : j’aurais dû être catégorique et refuser dès le premier jour, mais non, cette voix-là ne nous allait pas. À ma grande surprise, je trouvais alors un véritable gentleman devant moi, qui a lui-même présenté ses excuses (ce qui était loin d’être nécessaire) et nous a dit qu’il serait ravi d’essayer à nouveau. Ensemble, nous avons trouvé le bon ton et avons pu terminer le tout en une journée. Ceux qui travaillent avec de grandes voix dans ce milieu savent que ça n’arrive pas tous les jours.

Matt : Passer du temps en studio avec Cary Elwes reste l’un des hauts faits de ma carrière. Lors du deuxième jour en question, Cary ÉTAIT le Barde. Sa manière de réciter nos dialogues les a rendus vivants, ça a vraiment dépassé toutes nos attentes. Il avait complètement saisi la nature sarcastique du personnage et son sens de la comédie relevait de la perfection. Ceci étant dit, je n’ai jamais rencontré un professionnel comme Tony Jay lors d’une session d’enregistrement. Je crois sincèrement que nous n’avons jamais eu à faire deux prises pour une seule ligne de dialogue. Il lisait le script, entrait dans la cabine et déclamait le tout en une seule prise. C’est l’une des plus grandes voix de tous les temps, c’était un honneur d’avoir la chance de travailler avec lui.

Ne vous inquiétez pas, tout est normal.

Il s’agit d’un titre très accessible mais également extrêmement drôle. Vous diriez qu’il reflète l’ambiance de travail chez inXile à ses débuts ?

Matt : J’ai toujours dit qu’un bon jeu se devait de refléter la personnalité de celles et ceux l’ayant conçu. The Bard’s Tale représente parfaitement bien ce que nous avons vécu durant les cinq premières années d’inXile. Il n’était pas rare que l’on s’amuse et nous ne nous prenions pas vraiment au sérieux, mais, en revanche, nous prenions la qualité de notre jeu au sérieux. Aux débuts d’inXile en 2002, nous avions déjà travaillé dans l’industrie pendant plus de 10 ans et nous souhaitions retrouver ce que nous aimions chez elle dans les années 80, lors de nos premiers pas. Être une petite équipe de passionnés est une excellente recette pour créer un environnement de travail parfait. Et puis si le jeu continue à vous faire rire alors que vous le terminez pour la vingtième fois, c’est forcément bon signe.

Brian : Je me souviens d’une réunion où nous avions convié l’intégralité du studio. Nous souhaitions que chacun des artisans comprenne l’ensemble du projet en cours de réalisation. Chaque corps de métier a alors été de son idée. Je me souviens d’un programmeur m’ayant dit que c’était la première fois de sa carrière qu’il savait sur quel jeu il travaillait et que c’était d’autant plus motivant de comprendre ce pour quoi il allait œuvrer.

En langage Barde, Bijoux de Famille se dit Gonades

Vous pouvez nous parler des esquisses conceptuelles et la partie artistique de The Bard’s Tale ?

Maxx : J’ai trouvé des esquisses originales de Chris Robinson. C’est un artiste incroyable, il a réalisé des œuvres magnifiques. C’est lui qui a imaginé tous les boss et un bon nombre d’ennemis. Vous pouvez également voir plus bas la version de Chris du Barde, inspirée par notre design d’origine. Brandon Humphreys s’est occupé de plusieurs environnements mais aussi de certains ennemis. Nous devions être 5 artistes à travailler sur le jeu au total.

Modèle de Draugr, Ilustration de Finnoch, modèle de Herne, par Chris Robinson.

D’où vient l’inspiration pour le Barde ?

Maxx : Nous voulions qu’il soit digne de Han Solo, vous savez… charismatique, pas un idiot qui bafouille quoi. Pour autant, comme vous le découvrirez dans l’histoire, on ne peut pas dire qu’il soit systématiquement au courant de tout ce qu’il se passe autour de lui. C’est juste un gars pas forcément subtil et il se passe des choses autour de lui… Parfois, c’est de son fait, et il ne s’en rend même pas compte. C’est ce caractère que nous voulions retranscrire, un héros qui n’en a pas l’air et qui ne mérite pas d’en être un.

À titre personnel, de quoi êtes-vous le plus fier dans The Bard’s Tale ?

Maxx : Je suis très fier de l’invocation « Explorer », qui s’appelait Trapfinder lors des travaux préparatoires. Quand j’ai commencé, j’ai appris l’existence de toutes les créatures que l’on peut invoquer dans le jeu via une liste et je me suis dépêché de réaliser des esquisses pour chacune d’entre elles. Pour vous dire, je pense avoir esquissé chaque créature en l’espace de deux semaines, il devait y en avoir 12 ou 14. J’en reviens à l’Explorer : ça devait être un personnage qui confectionne des pièges, mais qui peut aussi les désamorcer. J’y ai réfléchi et j’ai commencé à imaginer un vieil homme qui court et se jette sur ce qu’il peut. Vu qu’il a un bâton, on pourrait se dire qu’il n’aurait qu’à tester les pièges avec pour plus de sécurité… Mais vous savez, ces créatures, ces alliés, ressemblent à des sorts, on ne s’y attache pas. Vous les utilisez, ils perdent leurs points de vie, ils meurent et vous pouvez en invoquer de nouveaux. Finalement, c’était plein de bon sens… et il faut dire que ça nous amusait beaucoup aussi.

Esquisse de l’Explorer

Intéressante manière de voir les choses… Dans certains jeux, il vaut mieux garder ses invocations en vie le plus longtemps possible…

Maxx : Nous avons souvent entendu nos joueuses et nos joueurs nous dire que le jeu était très difficile. En vérité, il l’est si vous ne vous servez pas de ces créatures. Le titre a été conçu dans ce sens, il est indispensable d’utiliser vos créatures invoquées et d’en changer tant que vous pouvez, c’est votre force de frappe principale.

On s’en sort toujours mieux avec des amis.

Il est également très appréciable de redécouvrir la musique. Celle-ci a toujours fait partie de l’expérience The Bard’s Tale, quel regard portez-vous sur elle dans ce jeu ?

Matt : Nous voulions qu’il y ait des chansons et des gens qui les chantent dans le jeu. Tout a commencé avec le morceau « Beer, Beer, Beer » que vous pouvez entendre dans la taverne au début, mais ça a vite pris des proportions bien plus importantes. Finalement, le Trow qui chante vient à 4 ou 5 reprises pour mettre en évidence les erreurs du Barde en chanson. Son inspiration vient à la fois des chœurs de Grèce et des Oompa Loompas de Willie Wonka. Une fois que j’ai eu écrit une scène de combat de danse entre zombies et le numéro chanté et dansé des vikings, je savais que j’allais vouloir glisser une performance similaire dans tous nos jeux.

Comment recevez-vous le fait que le jeu soit devenu culte au fil des années ?

Maxx : À l’époque de sa sortie d’origine, The Bard’s Tale n’a pas eu le succès escompté. La publicité n’abondait pas, nous n’avons pas vraiment eu droit au lancement dont nous rêvions. Nous aurions aussi pu lancer le titre une fois que nous nous étions assurés de l’avoir suffisamment affiné, ce qui n’était pas le cas, mais nous avons enfin pu réaliser ce travail de peaufinage avec la version  Remastered & Resnarkled. Nous avons toujours cru en notre jeu, nous l’avons toujours aimé. Le fait qu’il soit devenu culte, c’est une récompense pour notre travail acharné.

Maxx dans sa traditionnelle tenue du mercredi, au bureau (circa 2003).

Merci à Brian, Matt et Maxx d’avoir partagé leurs souvenirs du développement du jeu d’origine avec nous. Que vous le redécouvriez ou que vous en fassiez l’expérience pour la première fois, The Bard’s Tale ARPG: Remastered and Resnarkled est sorti aujourd’hui, il est disponible dans le Xbox Game Pass sur Xbox One et PC, mais aussi sur Nintendo Switch.