Dans les coulisses d’Xbox France : Entretien avec Hugues Ouvrard, Directeur d’Xbox France
En exclusivité pour le Wire, le directeur de Xbox France Hugues Ouvrard s’est livré sans concession sur l’actualité de la marque, des succès de la Xbox One X et du Xbox Game Pass à ses performances sur PlayerUnknown’s Battlegrounds.
Bonjour Hugues, Pour ceux qui ne vous connaissent pas encore, pouvez-vous nous rappeler votre rôle au sein de Microsoft ?
Bonjour, je dirige la division Gaming chez Microsoft France. Je tiens au mot « gaming » car cela n’englobe pas que Xbox, contrairement à ce que l’on pense généralement, mais aussi le gaming au sens large, à l’instar d’Age of Empires : Definitive Edition qui vient de sortir sur PC Windows 10, ou encore les services comme le Xbox Game Pass ou Play Anywhere.
J’ai rejoint Xbox il y a quatre ans pour lancer la Xbox One. Avant cela, j’étais directeur du marketing pour l’Europe du Sud chez Electronic Arts à Lyon pendant cinq ans. J’ai pu voir ce qu’était un grand éditeur de jeux et je tenais à découvrir le côté constructeur. Et même si j’ai joué sur d’autres plateformes, je me suis toujours senti plus proche de l’univers Xbox.
En novembre dernier, vous avez sorti une nouvelle console, beaucoup plus puissante, et compatible UHD et 4K. Est-ce que vous êtes fiers des premiers résultats ? Comment les expliquez-vous ?
Nous sommes fiers des premiers résultats. Ils démontrent la puissance de la console, d’autant que le taux de satisfaction des acheteurs est très élevé. Il s’agit de la console la plus puissante du marché, qui prend en charge des fonctionnalités à la pointe comme le HDR ou la 4K et nous permet donc d’offrir à nos fans sur consoles, l’expérience gaming la plus belle à date. Avec la Xbox One X, nous nous sommes notamment rapprochés des constructeurs de téléviseurs et des éditeurs de programmes vidéo en 4K.
La One X a rejoint la famille Xbox. L’idée n’a jamais été de remplacer la One S, mais de lui offrir une « grande sœur » à destination des gamers plus exigeants ou plus passionnés par la technologie et équipés d’écrans 4K.
Une autre source de fierté est d’avoir pu optimiser, grâce à la puissance embarquée dans la machine, d’anciens jeux pour y jouer en 4K sur Xbox One X, c’est par exemple le cas de The Witcher 3, qui bénéficie de nombreuses améliorations visuelles, ou encore de Titanfall 2, capable de tourner en 60 images par seconde sur Xbox One X. À mon sens, c’est une forme de rétrocompatibilité. Or, Microsoft est le leader de la rétrocompatibilité.
Le mois dernier, l’annonce de l’extension du Xbox Game Pass aux jeux produits par Microsoft dès le jour leur sortie (Sea of Thieves, State of Decay 2, Crackdown 3) a fait beaucoup de bruit. Pensez-vous que Xbox a franchi un pas important vers le jeu par abonnement ?
Après l’annonce du Xbox Game Pass l’été dernier, nous avons franchi une nouvelle étape en annonçant l’arrivée des jeux first-party dans le catalogue dès leur sortie, à commencer par Sea of Thieves. Cela nous place dans une position unique sur le marché.
« Nous sommes les seuls à offrir plus de 100 jeux pour 10 € par mois, dont les dernières nouveautés Microsoft day-one. »
Bien entendu, notre objectif n’est pas de nous couper du marché physique. Nous avons besoin des revendeurs et une grande partie des gamers aiment les jeux physiques, pour les collectionner, les revendre ou simplement les garder dans leur bibliothèque. C’est pour cela que nous proposons notamment Sea of Thieves et State of Decay 2 en physique, en édition de base et Ultimate. Cela dit, nous gardons un œil sur les autres marchés du divertissement et on voit que l’abonnement joue un rôle très important pour les industries de la musique et de la vidéo, il est logique qu’il se démocratise également dans le jeu vidéo. On peut dire en fait qu’aujourd’hui, le grand public a intégré l’idée de divertissement par abonnement.
L’objectif est de proposer toujours plus de choix aux gamers : tous ne sont pas des joueurs de day-one ou de blockbusters et tous n’ont pas les moyens d’acheter tous les jeux à 70 €. Le Xbox Game Pass est une formule optimale pour élargir l’accès aux jeux, dont tous les titres développés et édités par Microsoft. Sea of Thieves était le premier, State of Decay 2 sera le second, d’autres suivront plus tard.
Ce qui est important pour nous, dans la lignée du Game Pass, c’est la logique d’usage ! On ne regarde plus uniquement les chiffres de ventes en Day One, mais l’usage que les consommateurs font de nos jeux et services. On s’attache par exemple à suivre l’évolution du nombre d’utilisateurs actifs sur nos jeux et services. L’objectif n’est pas de faire des consoles Xbox One des « consoles raclettes » (j’aime ce terme, en comparaison à la raclette qu’on sort du placard qu’une à deux fois par an), mais des consoles sur lesquelles on a toujours plus de contenu pour jouer et générer ainsi un usage fréquent et régulier.
L’autre actualité du mois de Janvier, c’est aussi Minecraft, qui a franchi la barre des 144 Millions d’exemplaires vendus. Comment expliquez-vous ce succès et comment est-ce que Microsoft va continuer à soutenir le jeu ?
Nous sommes très respectueux de la franchise et du travail de Mojang depuis le rachat en 2014. Nous ne cherchons pas à révolutionner le concept, mais nous nous appuyons sur les retours de la communauté pour améliorer l’expérience des joueurs. L’un de nos principaux changements consiste à élargir l’accès au jeu : Minecraft est aujourd’hui cross-plateform, ce qui signifie que l’on peut jouer avec ses amis sur Nintendo ou PC.
La stratégie de Microsoft est d’augmenter le nombre de « Monthly Active Users », c’est-à-dire de joueurs qui utilisent le produit chaque mois, afin d’agrandir la communauté. En outre, du nouveau contenu est régulièrement ajouté au jeu.
« Aujourd’hui, Minecraft est le deuxième jeu le plus vendu de l’histoire derrière Tetris, mais c’est surtout 74 millions de joueurs actifs en décembre. »
Notre vision du gaming consiste à toucher chaque personne sur la planète et à l’encourager à jouer, à regarder et à communiquer davantage autour du gaming. Minecraft est l’une des clefs de voûte de cette stratégie. Aujourd’hui, seulement un tiers du temps consacré au gaming est dédié au jeu, les autres activités consistant à regarder, produire, commenter ou échanger autour des jeux. C’est pour cette raison que nous mettons aussi l’accent sur Mixer, notre plateforme de streaming, qui permet de diffuser ou regarder des jeux, mais aussi d’interagir de manière totalement inédite avec les autres utilisateurs.
Par ailleurs, nous avons un projet commun avec l’équipe Éducation de Microsoft qui vise à réunir les collégiens, lycéens, et tous les apprenants avec les consommateurs. Nous espérons pouvoir le concrétiser d’ici la fin de l’année 2018.
Avec le programme ID@Xbox, Microsoft s’est engagé dans le soutien des créateurs indépendants. Quel regard portez-vous sur l’essor des studios indépendants, particulièrement en France ?
Ce qui fait la richesse du jeu vidéo, c’est la création. Les studios indépendants favorisent justement la création et la diversité. Ils sont moins concernés par des logiques commerciales et s’appuient sur la passion et l’envie de développer.
Grâce à ID@Xbox et les autres programmes du genre, les studios indépendants peuvent sortir de l’anonymat. Selon moi, il est extrêmement important de développer sur consoles et PC. Chaque semaine, 600 jeux sortent sur le marché du mobile. C’est impossible d’émerger ! Sur console, il faut apporter plus de garanties, mais en échange, vous n’avez pas 599 concurrents et vous bénéficiez d’une meilleure mise en avant de la part de la plateforme. C’est un écosystème plus pérenne et moins concurrentiel pour les développeurs indépendants.
Récemment, Microsoft a rendu publics ses chiffres pour le dernier trimestre 2017 et la section gaming de Microsoft a eu de bons résultats sur le dernier trimestre. Comment expliquez-vous cela ?
Nos résultats ont été stimulés par les ventes de la Xbox One X, mais aussi par le bon travail d’engagement de nos équipes, ainsi que nos nouveautés. Je pense notamment au Xbox Game Pass, qui trouve son public. Dans l’ensemble, 2017 était une très belle année pour le jeu vidéo. Le Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (SELL) a annoncé que l’industrie avait progressé de 18 % en valeur par rapport à l’année précédente. Xbox n’est pas étranger à cette hausse.
Plus largement, l’année 2017 a été une année chargée dans le monde du jeu vidéo. Comment les équipes de Xbox France ont-elles vécu toutes vos actualités des derniers mois ?
Les équipes sont surexcitées ! Il y a toujours de nouveaux produits, que ce soit des consoles, des jeux ou des services. À ce titre, le deuxième semestre 2017 a été particulièrement dense, entre les nouveaux jeux, le Game Pass et la One X, sans oublier le Black Friday et Noël. Autant dire que les vacances étaient bienvenues !
C’est justement pour ça que les gens qui travaillent dans le jeu vidéo sont là. Ce sont des passionnés. C’est un secteur innovant, non seulement par les jeux, mais aussi par les approches marketing, commerciales ou de communication. Le jeu vidéo a souvent plusieurs années d’avance sur les autres secteurs. Nous avons été les premiers à travailler avec des influenceurs il y a quelques années, nos actions sur les réseaux sociaux sont à la pointe, que ce soit sur Snapchat, Twitter, Facebook ou Instagram. On ne peut pas lancer un jeu en septembre 2018 comme on l’a fait en septembre 2016 ou même 2017. Et on ne peut pas lancer Sea of Thieves, une propriété intellectuelle totalement inédite qui doit trouver son public, comme on lance un nouveau Forza, qui appartient à une licence connue et reconnue. Enfin, il y a le Game Pass qui nous pousse à modifier notre approche.
Comme je le disais, nous observons la concurrence au sens large, pas seulement les autres constructeurs de console, mais tous les acteurs du gaming. D’ici plusieurs années, nous verrons probablement arriver de nouveaux entrants sur le marché, comme Amazon, Facebook ou Google. Ils contribueront à façonner le paysage du jeu vidéo.
Avant de finir, une petite question de joueur à joueur : à quoi vous jouez en ce moment ?
Je joue beaucoup à PlayerUnknown’s Battleground. J’y joue tous les jours, sans doute trop, puisque j’en suis à 196 heures et que je suis classé dans le top 3 de mes amis. Ce n’est plus du tout le même jeu qu’il y a six mois : la communauté évolue, le niveau des joueurs a énormément augmenté. J’attends impatiemment les nouveaux contenus, avec plus de maps et d’améliorations en termes d’e-sport. Ce jeu a un potentiel énorme, c’est le Counter-Strike de demain.
C’est impressionnant de voir que des jeux qui ne sont pas encore terminés captent autant l’attention des joueurs, que ce soit PUBG ou Fortnite. Je pense sincèrement que les Battle Royale vont être au centre du gaming dans les deux ou trois prochaines années. Ce sont d’ailleurs les jeux les plus joués sur notre plateforme. Au passage, même si ce ne sont pas les exclusivités qui font vendre des consoles, il est intéressant de noter qu’aujourd’hui la principale exclusivité est sur Xbox.
Autrement, j’ai testé Kingdom Come Deliverance, que j’ai trouvé très réaliste, mais trop dense pour moi. Ce week-end, j’ai aussi joué à ABZU avec ma fille ainsi qu’à What Remains of Edith Finch, dont le gameplay est très intéressant et poétique.
« De manière générale, j’essaye de jouer à tout ce qui sort, ne serait-ce que 20 minutes, des jeux indépendants aux AAA. »
Enfin, j’attendais avec impatience Far Cry 5 sur lequel je me régale. Je suis un grand amateur de la franchise, j’ai joué 96 heures à Far Cry Primal et 157 heures à Far Cry 4. J’ai hâte de découvrir le nouvel opus, d’autant que j’adore l’univers où ils nous emmènent.
Propos recueillis par Laurent Laget le 13 février 2018